dimanche 6 mai 2018

Mais mois de mai

Fragments de vies, petits bouts de mémoire d'il y a 50 ans. Ce travail collectif est né à l'initiative de Les Mémoires de MAI 68

François Weil Je suis socialiste, je suis anarchiste, parce que tout en moi s'est construit sur un sens de la justice qui refuse les rois, qui ne retient que le droit des femmes et des hommes à vivre libres et égaux en droits.


Nous sommes aujourd'hui à quelques jours de dates qui marquent le calendrier de ma mémoire à plus d'un titre.

Il y a le premier mai, dont tout un chacun sait que c'est le jour de repos consacré, pour les gens qui travaillent, à se retrouver dans la fête des succès de leurs luttes pour que la société respecte un minimum d'humanité.

C'est aussi et surtout la date anniversaire des combats, de ceux de Chicago, et plus tard ceux de Fourmies, à quelques années d'intervalle qui eurent leurs lots de morts et de blessés, pour obtenir des journées de travail de huit heures.

Il y a le 10 mai, déjà lointain, et pourtant je me souviens de cette deuxième journée endimanchée, d'un scrutin, en astreinte rue Olivier de Serres, où je contribuais à assurer la maintenance des terminaux qui crépitaient pour entrevoir ce qui allait à vingt heures être annoncé. Je me souviens des résultats sortis des urnes qui arrivaient et laissaient assurément comprendre l'issue d'une présidentielle dès la fin de la matinée.

Espoir pendant toute la journée, affairé par moment à retaper un terminal, à aider un opérateur, et l'après-midi passant, les esprits s'échauffaient, les initiés téléphonaient à tout va pour faire savoir les résultats ... 20 heures, apparaît sur l'écran des télés le vainqueur. François Mitterrand.

J'ai choisi d'être socialiste quelques années plus tôt. Avant j'étais déjà de gauche mais plus confusément. Ma gauche remonte à l'enfance. Etre de gauche quand j'étais enfant, c'était vouloir simplement que personne n'ait faim, froid, ou ne se retrouve abandonné.

Je suis devenu socialiste à l'adolescence. Pour avoir compris que la société doit être organisée avant que ses membres ne puissent vraiment se libérer de toutes les contraintes et asservissements. L'anarchisme pour moi est la consécration des libertés sans contrainte pour des citoyens civilisés. Ce sera pour après.

Il y a un 10 mai aussi, qui plus récemment, est venu s'ajouter à la longue liste des choses qui peuplent ma mémoire.

On a instauré au 10 mai la mémoire de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. C'est une cause qui est mienne, nul ne peut être asservi par les autres. Le 10 mai est un jour qui pour moi, chaque année me rapproche d'un personnage tellement bafoué et pourtant. Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit le général Dumas, n'a pas seulement contribué au succès de la Révolution française de 1789, bien plus qu'un simple officier supérieur il a porté partout où on l'envoyait l'esprit de la Révolution. Enfant métis issu de la noblesse et né esclave, le Général Dumas a aussi été un des rares hauts personnages à tenir tête à Bonaparte sur plusieurs sujets.

Ce qui lui a valu de finir ses jours misérablement au regard de ce qu'il a donné à son pays. Disgracié pour ses divergences de vue avec le Général, Consul, devenu Empereur ! Et surtout parce qu'il n'était que "mulâtre". Pourtant quel personnage, et quel père, qui a donné un fils et un petit fils devenus tous deux tellement célèbres, portant haut le verbe et le vocabulaire de France.

Le 10 mai est aussi, en 1968 la date de la nuit des barricades. La colère grondait déjà, couvait. Ce soir là, la marmite a débordé, on dépavait les rues et face à une repression policière mal ajustée, les étudiants rallièrent à eux les ouvriers.

La vague de grèves commença le 14 mai.

Mai, joli mois de mai, objet de tant de poésies et qui n'est jamais tout à fait tranquille.

Je n'avais pas huit ans quand est monté le vent, quand est venu le temps de la révolte.

Je me souviens de mon papy, le plus souvent bien débonnaire, qui avait des soucis à aimer son métier en ces temps perturbés.

On nous disait pas trop ce qui se passait, nous n'étions pas grands, mais on entendait que ça manifestait, que les gens se battaient, qu'il y avait des blessés. C'était un peu abstrait dans le petit confort qui était le notre. Et papy qui rentrait soucieux, fermé. Lui qui avait intégré la gendarmerie pour avoir un métier utile, pour protéger les gens.

On nous disait pas trop la pression à l'usine, ou papa travaillait. Chez les bibs à Clermont, les "rouges" ... faisaient dire des heurk aux "patrons", bien cathos. Papa n'était pas politisé, il ne l'a jamais été, même après. Responsable du labo de chimie, avec une petite équipe, la mission de "confiance" imposée du moment avait été d'interdire la grève.

Mai 68, le flot des colères et des aspirations d'un peuple emportait dans la rue la foule, et ses collègues avec. Il n'a pas du avoir plus de cinq minutes pour comprendre qu'on exigeait qu'il parte lorsqu'il fut convoqué, pour la grève des autres.

Petite famille pas trop fragile, semée dans le flot des soucis, pendant des mois à ne pas retrouver ce confort modéré mais bien suffisant qui pouvait assurer la sérénité. Ma famille, une fois encore trimballée, pour arriver finalement des mois plus tard jusqu'en région parisienne où j'ai fini de grandir.

Et plus aucune peur de la grandeur des autres. Ceux qui ont un pouvoir d'opprimer et qui en usent ne méritent que le fil des mots aiguisés que je leur inflige pour sentence.

Mai 68, mon mai 68 fut sans doute, sans en détailler tous les tons, la fin de bien des illusions, mais il en restera toujours que la lutte n'est pas vaine, pourvu qu'on accepte d'en payer le prix, que la liberté, ne fut-elle que celle des autres ne peut pas être confisquée.

Il en restera toujours que la paix est éphémère, mais qu'elle revient toujours après la colère. Et que la colère ne dure jamais quand les ventres sont pleins. Il en reste ce doux-amer que rien n'est assez grand pour faire taire un peuple qui ne veut plus entendre de faux-semblants.

D'autres mois de mai sont passés, et d'année en année j'ai ajouté à la collection de ces images qu'on range soigneusement dans un coin de mémoire d'autres moment d'espoir, de paix, de lutte, de rage, de guerre aussi.

Mais mois de mai, celui de soixante-huit, je n'étais pas bien grand regardant tous ces gens qui amoncellaient toutes sortes de choses dans les rues de Clermont. Barricades.

Mais moi de mai comme tu me manques pour ne pas avoir assez affirmé les talents de ta génération montante à exalter la liberté.

…….
 
Anne Mira Les mêmes convictions que toi, au même âge et la même année. Sauf que moi, mon père n'était pas à l'usine mais sur les barricades....du côté de la police !!! 😂 Dur dur d'avoir des convictions de gauche dans cette situation. Résultat : mon père me traitait de gauchiste toute petite déjà ! Bon moi plus tard, je l'ai appelé Franco, ben oui, fallait au moins ça. Mais j'ai tenu bon, bercée par les histoires sur le front populaire que me racontait ma grand-mère (il faut toujours se méfier des grand-mères, ce sont elles, en réalité, qui forgent les consciences en secret !). Ça fait quelques décennies maintenant que je suis fidèle à mon cap, malgré les coups de tabac et les fortunes de mer. Aujourd'hui, je suis tellement bien, embarquée avec vous tous, Génération.s. Il n'y a plus qu'à souquer ferme pour arriver à bon port !

Anne Mira Ah j'étais petite ! 8 ans. Je n'ai eu que de lointains échos de ce qu'il se passait à Paris. Je sais que c'était tendu à la maison mais rien de précis. Mon père ne racontait pas ce qu'il se passait dans son boulot. Je pense qu'il voulait nous préserver.

Annie Solal Merci François pour ce tableau non exhaustif des merveilles de Mai.Quant à moi j'avais 20 ans en 68,on ne pouvait rêver mieux,et comme dit le poète nous avons dit d'impérissables choses mais surtout nous avons senti que nous étions vivants et que peut être la liberté, l'égalité et la fraternité n'étaient pas de vains mots!!Sans doute certains frileux ont trahi nos belles espérances mais après ça plus rien n'a été pareil!!!"On était jeunes,on était fous mais qu'est ce qu'on s'en fichait" comme dit Joe Dassin!!Je suis heureuse d'avoir connu ça!!!!!!!!!!

Michel Simon 20 ans le 7 mai 1968, pour moi aussi le vrais sens de LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ est apparu en ce mois de mai. Même si ... Je partage votre opinion. Bon week-end à mon aînée de deux semaines.

Shoulamit Auve Merci pour ce texte qui résume bien ce que nombre d'entre nous ont ressenti. J'avais 23 ans en 68 et j'ai eu du mal au début à comprendre ce qui se passait. C'est vrai que j'avais fait connaissance de mon mari peu de mois auparavant et cela me semblait plus important que tout. Ensuite, à force de parler avec mon futur, j'ai commencé à comprendre. Issue d'une famille de gauche, incapable de dire quelle tendance mais pas communiste, j'ai facilement adhéré à ces idées de solidarité, de justice et d'avenir heureux. Et je n'ai jamais changé d'avis sur ces domaines et je continuerai à y adhérer et à essayer de les réaliser. Bon courage à tous. Pour moi, vu mon âge, je ne peux apporter qu'un support plus ou moins intellectuel, mais vous les plus jeunes c'est votre vie que vous devez construire. Alors avec l'aide des "vieux", on essaiera de faire en sorte que vous y arriviez.

Shoulamit Auve Petite précision, j'ai toujours participé aux défilés du 1er mai. Au début, pitchoune, sur les épaules de mon père, ensuite dans les mouvements de jeunesse, défilé avec un passage au mur des fédérés. Les graines étaient semées.

Tamara Govi Merci je me retrouve pleinement dans vos souvenirs. À 12 ans je suis devenue communiste.

Regine Constant Merci merci pour cette lecture magnifique. J'avais 13 en mai 68 j'étais à Sceaux et mon père travaillait à Paris.
 
Je me souviens de ses difficultés pour rejoindre Paris jusqu'au moment moment où ce fut impossible je me souviens comme nous étions suspendus aux infos comme nous suivions tout cela..et vint le jour où au lycée Marie Curie lycée de jeunes filles, a déferlé la vague des lycéens "garçons " bien sûr du lycée Lakanal.. je me souviens des cris de joie de toutes mes camarades "les garçons sont là " une immense émotion libératrice. .mon père était profondément humaniste et du loin que je me souvienne je suis et reste "de gauche" même si la rose est entourée d'épines elle reste ma référence . Comment ne pas se souvenir de ce mois de mai où pour calmer l'attente nous nous sommes engouffrés dans un cinéma d'art et essai du quartier latin en attendant 20:00 et à la sortie cette atmosphère cette sensation incroyable cette clameur qui montait mêlée d'inquiétude. .oui oui il est élu ..vous en êtes sûr ? De la rue montait une lame de fond de joies de rires de pleurs...ah merveilleux mois de mai que celui la

Sylvie Blancher J ' avais 9 ans. Ça ressemblait du fond de ma province à Milou en mai pour ceux qui ont vu ce film magnifique. Chez les plus pauvres moins éduqués.

Merci François pour ce texte si touchant . Encore une fois. Les larmes aux yeux.

Jean-François Wt Perso Sylvie j'en avais 8 & je n'ai rien su de mai 68, de mémoire, avant juillet

En juillet en effet j'ai entendu mon Père parler avec le
directeur de ma première colo
Or leur gravité m'avait interloqué et j'ai entendu qu'il
évoquaient ce mois de mai

C'est hélas tout; un peu comme on m'a plutôt caché

les hippies jusque dans les 80' 😉

Francoise Le Coq Juste un petit mot pour vous signaler que mes copines lectrices et moi (nous sommes 4 ),allons faire une lecture publique sur Mai 68 le 25 mai à la médiathèque de Chalonnes sur loire (accompagnées d' un musicien )J'avais 20 ans en 68 et ce travail de recherche nous a remuées et les souvenirs sont remontés .

Françoise Givers Courtet Merci François Weil pour ce texte émouvant qui fait jaillir tant de souvenirs. 68 l'aventure de ma jeunesse qui a déterminé mon positionnement idéologique. 68 l'année du bac à châtenay malabry (comment ne pas le réussir celui-là ) j'ai intégré l'année suivante la fac de Nanterre et là des espaces dévastés, des murs noircis, des vitres brisées : bref les restes d'une guerre m'ont sautés aux yeux. Je ne l'oublierai jamais. Je me suis sentie proche d'un Sauvageot par exemple mais c'est quand même au jeune parti socialiste que je décide d'adhérer parce qu'une petite section s'était créée à la fac.

Oui c'est vraiment 68 qui a changé ma vie en me positionnant définitivement sur la gauche car si auparavant j'avais déjà en moi un idéal d'égalité sociale et consciente de la lutte des classes, je me suis rendue compte qu'il fallait s'impliquer.

On a perdu le sens des mots lutte des classes, à croire que c'est ringard de les utiliser, mais elle est toujours là cette lutte, et je trouve même très d'actualité.

Alors 50 ans après je ne rêve pas d'un autre mai révolutionnaire, mais parfois au fil de l'actualité je me laisse aller à un petit espoir !

Laurent Bocquet Un simple MERCI ! En majuscule malgré tout par ce que je me reconnais dans ce tracé ! Pour moi 68, j'avais 17 ans , une famille atypique, assez artiste dans l'âme c'est la révolte contre la routine, les interdictions sommaires sans explications, la liberté de la femme, de ma mère qui a pu respirer un très grand bol d'air de libertés et de doigts d'honneurs symboliques Merci encore François. Et aussi énormément de musiques toutes revendicatives les unes après les autres

Jean-luc Puverel Mai 68, j'avais 8 ans, j'étais sur les barricades avec un casque de moto trop grand sur la tête en protection, un foulard humecté de citron sur le visage pour lutter un peu contre les lacrymogènes, finalement un bon souvenir passé à la fois avec des étudiants et des travailleurs
 
Gilbert Costa Merci François Weil pour ce beau texte que j'aurai aimé écrire. J'avais 28 ans et je travaillais à l'ORTF. Nous nous sommes mis en grève et avons occupé les locaux pendant plusieurs semaines. Les discussions étaient sans fin et nous avions créé un collectif sur l'autonomie au travail. Tour de gardes la nuit car nous étions entourés de CRS casqués et maintenus en état de marche par l'alcool. 3 semaines entières sans rentrer chez moi! La nuit nous allions,incognito, participer au "concert" de Saint Germain-Saint Michel! Que de souvenirs!

Gilbert Costa J'avais adhéré au PS en 77 pour la campagne des municipales et je me souviendrai toujours de cet extraordinaire meeting à la Porte de Bagnolet avec tous les ténors de l'Union de la Gauche et le formidable discours de Mitterrand.4 ans après l'interminable fête à la Bastille pour fêter ce 10 mai qui fit chavirer nos cœurs! Après ce fut autre chose, comme si nous étions obligés de devenir "raisonnables". Mais je me dis qu'avoir vécu de tels moments est formidable!



Blandine Boillon Mai 68...J'avais 17 ans et des poussières, première année de fac. Mes parents, inquiets pour leur progéniture, m'ont sommée de rentrer à la maison quand ça a commencé à chauffer, pour être certains que je ne participerais pas aux manifs.

Mon petit copain de l'époque (devenu depuis mon ex mari) leur a demandé poliment si on ne pouvait pas aller tous les deux chez ses parents. Il faut dire que ses parents nous laissaient plus de liberté. Mon père a accepté.

Bilan des courses; au lieu de faire les manifs à Besançon, où c'était quand même relativement calme à ce moment là, je me suis retrouvée. à manifester avec "les Peugeot", à Sochaux, et là croyez moi, ça donnait... il y a eu des morts, et pas mal de blessés. J'ai vu mon futur beau frère et quelques autre la figure en sang, j'ai vu des charges de CRS de très (trop) près...

A ce moment là, on parlait de faire donner la troupe contre les étudiants. Nous, on l'était, étudiants. Un de mes beaux frères faisait son service militaire, un autre était gendarme mobile, le 3ème ouvrier peugeot. Je vous laisse imaginer la gueule des repas de famille...

Didier Amiot Mai, joli mois de mais. On en oublie nos mal heures. Des barricades une conviction liberté pour un peuple et de l'autre une liberté de droit.

Si ÉGALITÉ existe notre liberté serait grande, le faible ne sera pas fort si l'aide du fort lui fait défaut.

L'autre n'existe que si nous avons une différence et nous existons par la recherche de notre Fraternité.

Mais, joli moi de MAI ou trouver la fraternité quand d'un côté tu as du désespoir et de l'autre un devoir.

Moi de MAI tout comme la nature j'aime le renouveau des fleurs et des jeunes poussent du printemps.

Odile Burlet Née dans le Vercors ,avec la 5eme république ,dans une famille de résistance ,mai 68 fut pour moi l’éveil politique ,et ma première manif et grève au collège!! Et j'ai crié : ni Dieu ni Maître ,anarchie vaincra !!Depuis le combat contre l'injustice sociale ne m'a jamais quittée ;j'ai espoir que ce printemps 2018 soit le temps de le reconquête du peuple contre une"élite" qui n'a plus de limite!!!

Catherine Garcon magnifique texte qui m'a fait me souvenir des aspirations de mes parents en 68 (moi aussi j'étais trop jeune pour comprendre mais je pensais déjà que la gauche c'était vachement mieux que la droite (et je me posais la question de savoir comment on pouvait être "de droite") ! Et merci de rappeler que le Premier mai n'est pas un jour de congé comme les autres mais le souvenir des morts de Chicago et de Fourmies.

Reine De Paris Merci pour ce texte magnifique !.Je n'avais que 5 ans en mai 68 mais j'ai vu mon père matraqué par les crs, ça m'a marqué...

Je suis de gauche. Résolument de gauche, jamais encartée, anarchiste aussi...

Que ce mois de mai 2018 soit à la hauteur de celui d'il y a 50 ans....

Ewen Forget Anarchiste et socialiste, idem. C'est marrant, je devais te rencontrer... c'était obligé, merci pour ce très beau texte encore une fois. 🙋

Liliane Sauvageot J'allais avoir 18 ans en juin à cette époque, mon cher et tendre que j'avais rencontré en mars et qui est devenu mon époux pour la vie était consigné en Allemagne à la caserne de Villinguen, au cas où l'armée devait intervenir sur les ordres du général Massu....Trois long mois sans le revoir....Moi, dans un lycée religieux, je n'ai pas franchement pris totalement conscience du mouvement au départ, sauf quand un de mes oncles qui travaillaient chez Peugeot à Sochaux nous a parlé de ce drame d'un ouvrier qui a perdu la vie dans une manifestation....C'est après, que j'ai senti et vécu, surtout pour nous, les femmes ce vent de liberté..... Merci pour ce beau texte....

Livio Baldo Egalement les mêmes convictions,je me retrouve totalement dans ce texte, j'avais 30 ans j'habitais Clermont Ferrand à la Glacière et je travaillais aux Ets Ollier, rue Amadéo, au bureau d'études, j'étais délégué syndical CFDT. C'était il y a 50 ans, et j'espère qu'un mouvement comme celui là puisse se reproduire , avant la casse sociale de tout ce que nous avons conquis.

François Brouers Mai 68 étendit son influence sur l´Europe. Quel ne fut ma surprise un jour de mai dans mon bureau que j´occupais alors à l´Université de Bristol de découvrir que sur le bâtiment de la présidence de l´université qui se trouvait face á mon bureau le drapeau de sa gracieuse majesté avait été remplacé par un drapeau rouge portant les insignes infames de la faucille et de son marteau. Inutile de dire que les bobbies (sans arme) sont intervenus rapidement pour faire cesser cette injure á l´Empire et à l´impératrice des Indes,

Jacques Sauvageot J'avais 20 ans et militaire en Allemagne depuis le 4 mai .

Christian Lemieux J'ai envie de pleurer.....cette lecture est à la fois pleine de promesses ,mais aussi d'espoirs déçus , de RDV manqués.

Merci François de réveiller nos consciences , de ranimer la flamme, de rappeler ce qu'est le socialisme "des tripes" , celui qui comme le tiens , A occupé ma jeunesse ...

Mai , ce mois que tu met en exergue, ce mois du renouveau , , symbole des luttes , de l'espoir.
Encore merci , merci François .




Yves Hernandez Mai 68, Colère et souvenir pour les uns…
Prise de conscience et réveil pour les autres !

Mai 68 c’est d’abord le printemps des 10 ans pour le gamin que je suis à l’époque ! Je suis insouciant, joueur et impatient d’avoir enfin une dizaine au compteur, cet âge-clef que je n’atteindrai qu’à la fin août de cette année-là.

En 1968 nous habitons encore une cité HLM de Vichy, mes parents, ma sœur, mon frère (tous deux plus âgés de 10 et 6 ans) et moi, le petit dernier ! 


Il est vrai que nous n’avons pas accumulé beaucoup de biens ni d’argent depuis notre rapatriement d’Algérie, mais l’essentiel des ressources va à notre éducation et à quelques voyages notamment en Espagne pour retrouver un soleil que mes parents pleurent souvent ! Mon père est alors le seul à travailler dans le couple, comme cadre moyen dans la réparation automobile. Nous sommes scolarisés en école privée catholique et mes parents d’abord gaullistes (notamment mon père, tankiste dans la 5ème DB de de Lattre de Tassigny qui a reconquis l’est de la France en 45) jusqu’à cet événement qu’ils vivront comme une trahison du Général : le processus d’indépendance de l’Algérie, se tiennent désormais loin de la politique où ils ne voient que manigances des plus riches. N’éprouvant pas de haine pour les Algériens qu’ils côtoyaient tous les jours, mes parents se tiennent parfois à distance des associations de rapatriés dont certaines frayent un peu trop avec l’extrême droite, qui restera la bête noire et la honte de la France pour mes parents. Ils se limitent à des relations suivies avec des amis choisis et avec de nouvelles connaissances faites autour de la paroisse. C’est la France provinciale.


Mai 68 vécu dans le brouillard de l’enfance 

Ma mémoire est sans doute confuse, mais il me semble que ma première confrontation avec mai 68, c’est en Alsace lors d’un très court séjour, seul avec mes parents lors du 1er mai cette année-là, exactement à Colmar, où nous voyons passer un cortège de manifestants (pas très garni) qui défilent pour la fête du travail. Peut-être ma sœur et mon frère sont-ils retenus par un weekend scout ou un truc comme ça. Mon père aime bien l’Alsace où il ne manque pas de nous montrer les lieux de ces hauts faits militaires ! La manifestation nous laisse un peu sur la réserve, mais je crois me souvenir de réflexions qui soulignent que les gens qui travaillent ont bien le droit de célébrer cette belle activité (mon père qui a commencé comme apprenti à 13 ou 14 ans sait bien de quoi il parle, de même que ma mère qui ayant fait la formation d’infirmière s’est trouvée pendant la guerre à soigner des blessés dont certains très abimés).


Par la suite, c’est à la télé, que nous serons confrontés aux scènes de grabuge et de manifestations réprimées de manière musclée et que mes parents pesteront d’une part contre le Général de Gaulle qui n’a que trop duré à la tête du pays… et contre ces jeunes excités qui ne respectent rien et brûlent les voitures que leurs parents ont eu tant de mal à se payer…et que mon père répare d’ordinaire, avec patience et même passion ! Je sens bien que le fond de contestation rencontre la grande déception, voire l’indignation de mes parents qui sont vraiment dans le bas de la classe moyenne avec des fins de mois problématiques, contre ces riches bourgeois qui dirigent et étouffent la France avec arrogance…mais d’un autre côté, ils ne peuvent comprendre que l’on casse et que le désordre s’empare du pays…ils sont sur des braises les parents ! Moi je regarde et j’écoute. Ma sœur et mon frère sont dans un univers plus ouvert que le mien sur ces choses-là parce qu’ils écoutent et me font écouter cette musique qui accompagne l’époque et nous vient de gens aussi échevelés et dépenaillés que les étudiants qui agitent les rues et ne tardent pas à entraîner les ouvriers avec eux ! Et à table, parfois, c’est assez animé !
 

Je me souviens enfin du moment où de Gaulle quitte la France en catimini, soi-disant pour se donner de l’espace et de la réaction de mon père dégoûté par ce qu’il prend pour une fuite, geste dans lequel il ne reconnaît plus le chef de la France Libre, qui avait déjà perdu du lustre dans notre foyer familial à l’époque !

Après la colère, la nation se dégèle et chacun revendique sa place
 

Après on connaît l’Histoire, la mienne…la vôtre.
 

Mai 68 a déverrouillé certaines mentalités et cela se sent un peu partout. La nation "a tué le père" et ne s’en porte que mieux.
 

Ceux qui se taisaient et écoutaient les hiérarques blanchis commencent « à l’ouvrir » progressivement et de plus en plus fort ! Il y a là, les travailleurs, les femmes, les jeunes…puis les noirs et autres minorités à qui l’on demandait avant tout de travailler ou de jouer du Jazz et du blues et de ne pas la ramener ! Tout cela je le vis et je grandis dedans ! Et le phénomène dépasse la France, il est planétaire et renverra des échos sur la guerre du Vietnam, sur la prise d’autonomie des pays non alignés et provoquera même une onde de choc co-génératrice de la chute du mur de Berlin plus tard ou de l’ouverture du rideau de fer !
 

Mais pour en revenir à une prise de conscience toute personnelle, je me souviens qu’en 1974, finissant mon collège chez les frères, on nous fait assister à un débat télévisé commenté par un frère bien à droite qui nous dépeint Mitterrand comme un diable rouge et hypocrite et Giscard comme un saint homme ! Merci Frère Xavier, ce jour-là, vous avez fini de me convaincre que j’étais bien d’un côté… la gauche ! Je ressentais déjà les prémices de ce mouvement profond en moi, mais ne supportant pas qu’on me dicte mes pensées je ne pouvais que choisir dès ce moment là, même sans en être conscient, le bulletin que je mettrais dans l’urne en 1981, lors de l’élection suivante comme toute ma fratrie d’ailleurs, je le crois !

Le sens ne vient qu’après
 

Mais c’est bien après que j’ai pu réaliser ce que « il est interdit d’interdire » ou « ni dieux ni maîtres » pouvait revêtir comme signification tangible, pour un jeune homme aux prises avec une religion pétrie de traditions et de dogmes, pour une société dont les conventions étaient restées figées depuis la fin d’un 19ème siècle qui n’avait pas su arbitrer entre la France rurale et la révolution industrielle, pour des communautés culturelles, générationnelles ou sociales engluées dans les mailles d’une morale étriquée, écrite par les dominants pour les dominés.

J’ai senti gronder en moi la révolte, lorsque mon père, spécialiste hors pair de la réparation auto et de la mécanique a été licencié pour motif économique, après 4 années de mesures vexatoires et de pressions en tous genres effectuées par la multinationale qui possédait son garage…


J’ai aussi pris conscience de l’espace de liberté qui avait été conquis, à l’université, en cours d’expression, au sein même de la filière Sciences du Langage…dans cet espace prévu pour confronter, développer et défendre des idées ! Puis à Sciences Po, quand j’ai pris conscience de l’ampleur du débat humain que déverrouillait un débat politique ouvert et contradictoire.


A cette époque des années 80, j’ai eu la chance, grâce à Mai 68…oui j’ai eu l’immense chance d’étudier dans un contexte de totale liberté, tel que hélas, les générations présentes et futures auront du mal à retrouver ! Mon seul souci a été celui de ma propre subsistance, mes parents bien que m’aidant énormément étant confrontés à de grosses difficultés financières… et il m’a suffit de travailler en dehors des cours et de faire des emprunts pour y arriver.


Oui je le crois, les espaces de liberté conquis sur la rue ont le pouvoir de changer la vie de tous, voilà pourquoi je dis merci au Front Populaire, à Mai 68 et j’appelle de mes vœux, à une époque cruciale que les enjeux sociaux, économiques et environnementaux rendent existentielle, à l’avènement de mai 2018 ! Si l’on ne botte pas quelques fesses, l’argent que les plus pauvres n’ont déjà pas, va encore faire engraisser les nababs du CAC 40 ! Et ça c’est hors de question.


Il faut faire plier ce gouvernement ami des riches et fossoyeur d’une nation française solidaire, ouverte et bienveillante ! Il faut imposer de plus justes partages ! C’est notre responsabilité, quelle que soit notre génération !


Pétu Cailli Merci, c'est rare d'entendre un "compatriote" (je n'aime pas les deux composantes du terme) d'Algérie tenir un tel langage... J'ai totalement viré ma cutie en 1968 à la Sorbonne où j'étais étudiant-salarié la nuit aux Ptt.... Mon père m'a ensuite traité de renégat... et a voulu me mettre à la porte quelques mois plus tard... La famille de son côté est totalement lepeniste et intégriste catho...Plus de lien... Encore merci pour ce texte.
Michel Riou Je ne suis que de 4 ans votre aîné, mais c'est fou ce que ce mois de Mai, je suis né un Premier Mai.... a pu imprimer ma vie ! Votre témoignage m 'à touché!
 





Eve Caherec Nous étions vers Port Royal, le jour de la manif à Charletty francois décide d'y aller, comme j'habitais à côté du stade (rue de l'Amiral mouchez) on fait la route ensemble, à pieds évidemment....

et arrivés devant mon immeuble on se dit au revoir en se faisant 2 bises sur les joues...

mon père voit ça par la fenêtre et quand je suis rentrée il m'a donné une grande paire de gifles parce que c'est honteux d'embrasser un garçon dans la rue.
 
j'avais 20 ans..


Claudine Tixier publiée sur LCI
 

50 ANS APRÈS – Alors que la France célèbre Mai 68, LCI a sollicité des acteurs ou témoins anonymes de ces événements pour qu’ils nous racontent les souvenirs qu’ils en gardent, l’anecdote ou la scène qui les ont marqués. Aujourd’hui, retrouvez le témoignage de Claudine, adolescente de la Creuse, que la distance n'a pas empêché de vivre pleinement les événements... pour le meilleur et pour le pire

"Dans mes souvenirs de Mai-68, il y a 80% de positif et 20% de souvenirs très durs. En tout cas, je peux vous dire que j’ai vécu tout ça de manière très forte.

J'allais avoir 14 ans. J’habitais à Aubusson, dans la Creuse, au fin fond de la France profonde, dans une école, où étaient logés mes parents instituteurs. On était toute une bande d’enfants d'instits, toujours ensemble. Ma mère faisait classe dans l’école, au rez-de-chaussée, et nous habitions à l’étage. Quand les événements ont commencé, avec mes 'collègues' enfants d’instits, on s’est mis à fond dedans, pour tromper l'ennui né de la grève dans notre école. La fièvre n'a pas atteint ma petite ville. Alors, mes copains et moi, avions décidé de mettre un peu d'animation et de réveiller cette ville endormie.

Notre première cible était l'école. Nous avions fabriqué des drapeaux noirs, de toutes sortes, qu’on accrochait dans les couloirs de l’école, dans les salles de classe, etc. Des affiches, aussi, sur lesquelles nous recopiions les slogans inventés par les étudiants parisiens, pimentés de quelques fautes d'orthographe : 'Il est interdi d’interdire', 'Faite l'amour pas la guerre !', 'Ce n'est qu'un début, continuons le comba !' On avait meublé l’école de toutes sortes de choses, au grand dam de de l’inspecteur de l'Education nationale qui chaque matin, quand il arrivait pour recevoir des gens dans son bureau, faisait savoir tout le bien qu’il en pensait. Enfin... il avait beau être scandalisé de voir nos banderoles dans le couloir, il ne les enlevait pas.

A l'époque, je passais le brevet et, si mes souvenirs sont bons, je n'ai pas eu cours pendant un mois. J'ai fini par le passer et ensuite, il a été dit que l'examen avait été donné à tout le monde... bon, ils le donnent aujourd'hui à tout le monde aussi, donc c'est pas très grave. Pour mon frère, c'était pareil. Il a passé le bac et il a été beaucoup dit qu'en 1968, les diplômes avaient été donnés à tout le monde. Est-ce que c'était vrai ? En tout cas, le taux de réussite au bac à l'époque, qui était beaucoup plus rude que maintenant, avait fait un bond, cette année-là (59,6% en 1967, 81,3% en 1968, ndlr).

C'est une période très particulière, très exaltante, même du fin fond de la Creuse, même s'il ne se passait rien dans ma commune. J'entendais mes parents, profondément de gauche, tendance SFIO (l'ancêtre du Parti socialiste, ndlr) critiquer l'ordre établi, quand bien même ils étaient plutôt obéissants, en tant qu'instituteurs. Je me souviens de mon père hurlant contre Michel Droit, un présentateur de télé très critique envers les manifestants, sur l'ORTF, où nous suivions les événements parisiens. Pour eux, Mai-68 soulevait des espoirs - bien retombés depuis, il faut l'avouer. Le mouvement était très général : on ne se contentait pas, comme aujourd'hui, de manifester pour sauver les services publics, ou de demander une augmentation des salaires. Les mots d'ordre n'étaient pas seulement politiques - sauf à considérer que tout est politique : il y avait beaucoup de liberté dans les revendications. A titre personnel, j'avais senti que je recevais une éducation différente de celle de mon frère : lui avait le droit de tout faire, et moi, je n'avais pas le droit de sortir. Mai 68 a insufflé un esprit qui a pu faire changer cela.

Mais il n'y a pas eu que du positif. Comme ce jour où, pour aller rendre visite à mes grands-parents, qui habitaient dans le Puy-de-Dôme, nous étions passés par Clermont-Ferrand. A l'époque, il n'y avait pas de boulevard périphérique, et il nous fallait donc traverser la ville. Nous nous sommes alors retrouvés coincés par une énorme manifestation. A côté de nous, des gens regardaient tout ça depuis le trottoir, jusqu'à ce que trois cars de policiers arrivent à grande vitesse, s'arrêtant juste à côté, nous barrant la route. Ils ont attrapé ces gens-là, et les ont tabassés à coups de matraque, avant de les mettre dans le panier à salade. Il y avait un jeune homme, peut-être un étudiant, qui avait été frappé si fort qu'il était en sang. Il y avait même des traces sur le trottoir. Ça nous a sidérés : mon père était blanc comme un mort. Ça a dû durer une demi-heure. C'était stupéfiant. Cet épisode m'a renforcé dans mes convictions, moi qui avais toujours eu un petit côté rebelle. Vous imaginez, avoir 14 ans et être témoin de pareille violence ? Résultat, j'ai fini par faire de la politique. A un niveau local, puis j'ai commencé à militer quand François Mitterrand a quitté le pouvoir, en 1995. Et aujourd'hui, je suis engagée auprès de Génération·s."




Anne Serre Merci à celles et ceux qui manifestaient dans la rue en mai 68 !
 
En mai 68, je vivais à Clermont-Fd, j'avais 9 ans, j'habitais avec ma famille un appartement dans le centre ville. Ma mère était prof de dessin, elle était au SNES, mon père était cadre dans l'industrie, ils avaient la trentaine et étaient engagés dans un mouvement d' Éducation populaire : la Vie Nouvelle (influencé par E. Mounier) et dans le courant de Jacques Delors. J'ai un souvenir très présent : ma mère ouvrant toutes les fenêtres donnant sur la rue.... les clameurs envahir la maison et ma mère nous dire : " vous vivez un grand et beau moment historique".

A l'époque, je ne saisissais pas toute la portée de ce mouvement social. J'en ai perçu beaucoup plus tard l'ampleur notamment avec la prise de conscience de mes parents qui se sont engagés sur le plan politique à gauche mais aussi dans le social et l'éducatif. 68 a été le déclencheur de profondes mutations sociales et je remercie toutes les femmes de cette génération (même les plus farouches féministes) qui au cours des années post 68 ont lutté pour la libération des mœurs, la contraception, le droit à l'avortement etc...

Aujourd'hui, je me retrouve dans Génération.s qui incarne pour moi la poursuite de l' œuvre de nos précurseurs.

 

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