Je dédie ce petit exposé à mes amis de la coordination de Vent debout, avant tout. Parce que les longues discussions sont une forge qui permet de façonner les idées claires.
Et puis je me fais un petit plaisir à moi en dédicaçant ce texte à Benoît Hamon, et Luc Carvounas, comme je vous lis, vous écoute l'un comme l'autre, et que des fois j'arrive à trouver la synthèse de mes propres questions dans ce que vous posez comme idées.
Je n'oublie pas toutes les personnes qui me sont chères, car a discuter avec beaucoup de monde, je pense que finalement je n'ai pas tant travaillé ici à rédiger ce texte, qu'à mettre en ordre les échanges, nombreux, variés, pas toujours sympathiques, mais tellement enrichissants.
Le travail dans nos textes officiels
(Les éléments qui suivent ci-dessous en italique sont empruntés à Wikipedia.)
La loi du 19 mars 1793 affirme : « Tout homme a droit à sa subsistance par le travail s'il est valide ; par des secours gratuits s'il est hors d'état de travailler. Le soin de pourvoir à la subsistance du pauvre est une dette nationale. »
De même, l'article 21 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 affirme : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »
Le droit de travailler devient ensuite une revendication centrale de la République sociale lors de la Révolution de 1848. La gouvernement provisoire instaure alors les Ateliers nationaux, et de la commission du Luxembourg, des ateliers sociaux sous la direction de Louis Blanc (qui avait signé Organisation du travail en 1839).
Le droit au travail a ensuite été proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » (article 23).
Il est aussi inclus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (art. 6), Charte sociale européenne de 1961 (art. 1), de même que dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art. 15).
De même, la Constitution de 1946 affirme : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », droit qui est repris dans la Constitution de 1958 qui fonde les bases de la Ve République.
Dans la décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986, le Conseil constitutionnel a affirmé qu’il appartient au législateur « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés. » L'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), créée en 1967, découle de ce principe
Mais en fait le travail c'est quoi ?
Au sens économique usuel, le travail est l'activité rémunérée ou non qui permet la production de biens et services. Avec le capital, c'est un facteur de production de l'économie. Il est essentiellement fourni par des employés en échange d'un salaire et contribue à l'activité économique. Le processus d'entrée et de sortie de l'emploi se fait par le marché du travail.
Son étude économique est faite par l'économie du travail, son étude sociologique correspond à la sociologie du travail, et son cadre juridique est le droit du travail.
Le travail d'une force est l'énergie fournie par cette force lorsque son point d'application se déplace (l'objet subissant la force se déplace ou se déforme). Il est responsable de la variation de l'énergie cinétique du système qui subit cette force. Si par exemple on pousse une bicyclette, le travail de la poussée est l'énergie produite par cette poussée. Cette notion avec ce nom fut introduite par Gaspard-Gustave Coriolis. Le travail est exprimé en joules (J), et est souvent noté W, initiale du mot anglais work qui signifie travail.
Son étude économique est faite par l'économie du travail, son étude sociologique correspond à la sociologie du travail, et son cadre juridique est le droit du travail.
Le travail d'une force est l'énergie fournie par cette force lorsque son point d'application se déplace (l'objet subissant la force se déplace ou se déforme). Il est responsable de la variation de l'énergie cinétique du système qui subit cette force. Si par exemple on pousse une bicyclette, le travail de la poussée est l'énergie produite par cette poussée. Cette notion avec ce nom fut introduite par Gaspard-Gustave Coriolis. Le travail est exprimé en joules (J), et est souvent noté W, initiale du mot anglais work qui signifie travail.
Le mot aurait une étymologie qui renvoie à la torture, à la personne qui fait souffrir (latin tripaliare, qui signifie torturer avec le tripalium).
Donc étymologiquement il faut en baver ?
Selon une source distincte ( https://blogs.mediapart.fr/flebas/blog/240316/l-arnaque-de-l-etymologie-du-mot-travail ) :
Cette hypothèse autour de tripalium a déjà été contestée, par d’éminents linguistes, dont Émile Littré et Michel Bréal, qui ont privilégié l’influence d’un autre étymon, le latin trabs qui signifie « poutre » et qui a généré entraver. L’idée est que la notion de souffrance, qu’on décèle dans beaucoup d’emplois du mot travail dès son apparition au XIIème siècle, exprimerait ce que ressent l’animal quand on l’entrave (on immobilisait les animaux afin de soigner une blessure ou de les ferrer, par exemple).
...
Mais d’autres éléments invitent à se tourner vers une autre histoire génétique du verbe travailler, d’où découle le nom travail. En particulier, l’étude faite par Marie-France Delport des mots hispaniques médiévaux trabajo (= travail) et trabajar (= travailler), dont elle montre qu’ils expriment une « tension qui se dirige vers un but et qui rencontre une résistance ». L’auteure propose de rapprocher cette description sémantique du préfixe latin trans-, qui se réduit souvent à tra- (tramontane, traverser, traboule, etc.), et qui exprime un principe de passage d’un état vers un autre. L’auteure est citée par Jean-Luce Morlie, qui propose un rapprochement entre les équivalents de travail dans plusieurs langues, et dégage la séquence consonantique [rb] comme patron commun (laBor en latin, aRBeit en allemand, RaBot en Russe, etc.).
...
Néanmoins cette hypothèse alternative rencontre des difficultés : le latin labor utilise objectivement la séquence [br], mais la dernière consonne appartient au suffixe de déclinaison, commun à une série de noms (dolor, soror, color, etc.). La base de labor se restreint donc à lab, c’est cette séquence qu’il est préférable d’utiliser dans le cadre d’une recherche lexicale. Enfin, et surtout, toutes ces hypothèses butent sur une énigme : le lien formel évident entre travail et l’anglais travel, qui signifie « voyager ». Tout porte à croire que l’anglais travel provient bel et bien de France, à l’époque médiévale et peut-être avant. Les tenants de l’hypothèse de l’étymon tripalium imaginent que le verbe anglais exprime la souffrance, voire le supplice, du voyageur de ces temps reculés, où il était difficile de se déplacer sur de grandes distances. Cette explication est, comme disent les anglais, « far-fetched » (« tirée par les cheveux » en français) et en tout cas exagérée. Il est préférable de rechercher une source qui serait commune à l’anglais travel et au français travailler, en imaginant une bifurcation vers l’idée du voyage – accompagnée de l’idée d’effort ou d’obstacle à franchir – et une autre vers l’idée plus générale de « tension vers un but rencontrant une résistance ». C’est possible dès lors qu’on rassemble les pièces du puzzle :
A bien suivre les possibles, et sans avoir de certitude, il ressort que si beaucoup de gens pensent que le travail renvoie à la souffrance, à l’entrave, l’hypothèse qui vise à identifier le travail comme quelque chose qui implique un mouvement, un déplacement, un changement d’état est plus vraisemblable.
De cette raison il ressort que le travail est une notion qui représente une action, une interaction, entre l’individu, ou l’objet, et quelque chose qui lui est extérieur. Sans changement d’état entre l’individu et son environnement, il n’y a pas de travail.
Bon, le travail on a compris, mais pour quoi faire dans la vie de tous les jours ?
Le travail étant un objet essentiel de la pensée sociale, il est souvent considéré comme la source de valeur permettant de disposer du nécessaire pour vivre. On travaille pour se nourrir, se loger, rendre service … ce qui amène toujours au principe de rémunération.
Pourquoi ? Pour se payer le gîte et le couvert.
Si nous partons de l’idée que nous avons tous droit à un travail, idée communément admise, parce que c’est un droit constitutionnel né de la révolution de 1789, nous y avons droit précisément parce que nous affirmons que chaque personne doit disposer de moyens pour vivre.
La société doit pourvoir à ce besoin, en créant les conditions nécessaires et suffisantes pour que chacun dispose d’un travail, pour obtenir une rémunération, et pour pouvoir en vivre dans les conditions normales d’existence.
L’Histoire nous montre combien ces notions sont étroitement liées à l’économie, et les sociétés de tout temps ont tenté de déterminer les voies possibles pour permettre aux gens d’exister en mesurant leur part de travail au sein du groupe, de la société.
Lorsqu’un groupe assure le travail de ses membres et lui fournit les moyens d’en vivre, il peut échanger ce travail contre un logement, de la nourriture, de l’argent … et c’est là que les choses ne sont pas uniformes, tout dépend du mode d’organisation de la société que l’on observe.
La rémunération au sens moderne, le salaire par exemple, est la règle mise au point pour permettre d’échanger notre travail contre un moyen de se payer un logement, à manger …
C’est de cette idée que les révolutionnaires de 1789 ont écrit que toute personne a droit à un travail, et donc à un salaire, pour pouvoir vivre dignement, en “homme libre”.
Le principe de liberté tel qu’il est compris dans les démocraties modernes implique que chacun peut choisir son logement, ce qu’il mange, … et que pour cette liberté, il peut accéder à un travail, qu’il échange contre un salaire … qui lui permet de vivre librement.
Alors le travail c'est quand t'es payé ?
Il n’en existe pas moins beaucoup de circonstances dans lesquelles nous travaillons sans être rémunérés. Et si nombre de ces circonstances concernent des activités qui nous sont personnelles, il n’en reste pas moins que beaucoup de nos activités sont tournées vers les autres, qu’elles constituent un travail … qui ne sera pas payé.
A chacun dans ce cas de calculer le prix de son travail rémunéré, pour pouvoir se permettre de faire d’autres tâches qui ne le seront pas.
Le travail peut donc être rémunéré ou pas. Si tout le monde a du travail, il devient alors facile d‘organiser la société de telle sorte qu’il y aura toujours quelqu’un pour faire un travail, que cette personne sera payée, et tout le monde est satisfait.
Un marché du travail peut s’organiser autour de ça, pour savoir qui propose du travail, qui est prêt à le faire. Les gens peuvent même discuter du prix de ce travail, et on observe raisonnablement un ordre des choses plutôt stable. Quelqu’un qui demande trop pour un travail risque de ne pas être choisi pour le faire, et inversement un employeur qui demande trop de travail pour un salaire ne trouvera peut-être personne.
Quand l’offre de travail à faire est supérieure à l’offre de travailleurs disponibles, le marché verra sans doute le prix du travail monter. Et inversement si le travail vient à manquer, le prix consenti par les employeurs pourra baisser.
Donc il y a des employeurs et des employés. Qui sont-ils ? Tout le monde, chaque personne, est employeur, et beaucoup de personnes sont employées par d’autres.
L’employeur est celui qui requiert un bien ou un service porté par d’autres personnes qui le lui fournissent.
L’employé est celui qui, requis par un employeur, apporte le bien ou le service attendu.
Ils peuvent être liés par un cadre particulier, comme un contrat de travail, ou un contrat de mission de prestataire de services, par exemple. Ils peuvent être également dans un échange non contractualisé autrement que par le droit commun.
Lorsque j’achète un produit à un commerçant, je suis l’employeur, qui demande un bien à une personne. Le temps de la transaction le commerçant, ou son commerce, représentent l’employé. Je rémunère le commerçant selon un prix convenu, que j’accepte et que je paye. Le commerçant fera son affaire de l’argent qu’il reçoit et de son emploi.
Si je fais travailler une personne pour repeindre mon salon, nous nous entendons sur le prix que je verserai, avant, après, ce sont des éléments de négociation, et le peintre m’aura indiqué le prix de son travail. Eventuellement aussi le prix de la peinture. Le prix payé au peintre dépend de ce sur quoi nous nous mettons d’accord.
Je travaille pour vivre, même quand je travaille pas
La société s’est organisée pour permettre aux gens de vivre, de leur travail autant que possible. Elle a mis en place aussi des instruments de régulation de la vie économique et sociale, en acceptant que les personnes puissent recevoir une éducation, ce sont les enfants principalement qui vont l’école, et que les personnes les plus âgées puissent se reposer, ce sont les anciens qui prennent leur retraite. Les enfants et les retraités constituent les “inactifs”, tandis que tous les autres, qui sont en capacité de travailler sont les actifs.
Tous les actifs ont droit à un travail, pour pouvoir vivre dignement. Les inactifs doivent être pris en charge car ils ne travaillent pas encore, ou plus, et n’ont donc pas de possibilité de disposer d’un revenu.
Les retraités, dans nos sociétés modernes, reçoivent une pension de retraite, pour avoir cotisé à des caisses de retraite qui ont capitalisé les dépôts ainsi constitués pour verser les pensions. Pour les retraités qui n’ont pas eu le bénéfice d’une retraite il est prévu de leur attribuer des “minimas sociaux” leur permettant de vivre dignement … en théorie, parce que les réalités économiques ont fait que les minimas sociaux n’assurent plus tout à fait la dignité malheureusement.
Les jeunes, qui sont scolarisés, ne sont pas des actifs. Pour deux raisons, la première étant qu’on ne fait pas travailler les jeunes de moins d’un certain âge, par principe, pour permettre aux enfants de se développer dans les meilleures conditions possibles. La seconde raison est liée à la première, le développement des enfants intègre la formation, la scolarisation, peu compatible avec le travail des enfants.
La société s’est organisée sur le principe que les enfants ont des parents, ou des tuteurs, qui font leur affaire de loger, nourrir, et veiller à l’éducation des enfants dont ils ont la charge.
Donc les actifs travaillent, et les inactifs vivent, en principe dignement, avec les moyens qu’on a mis à leur disposition. Du travail pour les actifs, la bienveillance de parents ou tuteurs pour les jeunes inactifs, et une pension pour les personnes retraitées.
On a même prévu en principe de donner de quoi vivre à des personnes qui sont classées comme actives, c’est à dire ayant l’âge de travailler, mais qui, sans travail, et pour différentes raisons possibles, doivent assurer un minimum de revenu pour vivre. C’est le cas des chômeurs, personnes qui ont droit à un travail mais qui n’en ont pas trouvé un. C’est le cas aussi de personnes ponctuellement ou durablement malades, qui peuvent être prises en charge par un système d’assurance maladie par exemple, ou de personnes dont un handicap particulier les empêche d’intégrer une vie socioprofessionnelle, et qui peuvent bénéficier d’un régime particulier de prise en charge pour des revenus.
Je travaille pour qui ?
Chacun a droit à un revenu pour vivre dignement, et hormis les exceptions particulières, ce revenu est généré par un travail … c’est à dire un emploi. Cet emploi peut-être contracté avec un employeur particulier, dans le cadre d’un contrat de travail.
Il y a des gens qui n’ont pas d’employeur attitré, qui s’emploient eux-mêmes à trouver différents employeurs en fonction du moment. C’est le cas des personnes sous statut “libéral”, des commerçants, des artisans, des entrepreneurs divers et variés qui sont “à leur compte”.
La différence, dans notre société moderne, entre les les gens qui travaillent sous contrat de travail salarié, et les autres réside principalement dans la forme de contrat qui les relie à leur employeur.
Les salariés sont en principe des employés travaillant pour un temps défini, selon un calendrier connu d’avance, avec des revenus prédéfinis, en bref, les salariés savent à quelle sauce ils seront mangés, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, et chaque année.
Le contrat de travail d’un salarié peut avoir une fin ou pas, il sera à durée déterminée ou indéterminée, avec des dispositions particulières ou pas. Jusqu’à l’an 1 de l’ère Macron qui ne durera pas beaucoup d’années c’est sûr, le cadre contractuel pour un salarié était réglementé par un code du travail assez précis, augmenté de conventions collectives et de droits et devoirs entre employeur et employé qui étaient relativement normalisés pour toutes les entreprises. Le Code du Travail et tous ses accessoires ont été modifiés pour permettre à chaque entreprise de définir des règles plus personnalisées pour la forme et le contenu des contrats.
Un contrat de travail est, et reste jusqu’à présent attaché à une rémunération, un salaire.
La société en général met en avant l’idée que tout travail mérite salaire.
Elle répond ce faisant à une obligation qu’elle s’est faite que toute personne a droit à un travail lui permettant de vivre dignement.
Il n’en reste pas moins que cette notion de salaire contre travail ne s’applique pas à tout le monde de manière identique.
Si le salarié sous contrat est en principe certain d’être payé pour le travail qu’on lui propose et qu’il fait, beaucoup de gens ne sont pas salariés d’un employeur. Et le temps où les salariés étaient les plus nombreux des actifs est révolu. Ce n’est pas une question de conjoncture, les entreprises susceptibles d’employer un grand nombre de salariés pour des travaux sur le long terme sont en train de se transformer.
Cette transformation vient du fait que les techniques modernes permettent de remplacer de mieux en mieux le travail humain, dans les usines, par des machines. Indépendamment de l’idée qu’il soit bien ou mal de remplacer les gens par des machines, force est de constater que là où la machine peut remplacer l’humain, elle soulage l’humain d’un travail.
Le travail industriel est donc depuis un certain nombre d’années devenu plus rare. Il en va de même d’ailleurs pour certains métiers qui ne relèvent pas seulement de l’industrie et des usines. On trouve également une raréfaction de certains métiers, certains savoir-faire où les gens de métiers sont éventuellement devenu remplaçables par d’autres moyens que des personnes.
Retirer des personnes d’un cycle de fabrication, de transformation … d’un travail, c’est réduire le nombre d’emplois proposés. Si le marché perd des offres d’emploi, c’est le chômage qui pointe son nez. Moins d’offres et plus de gens “sur le marché” ça fait baisser le prix du travail forcément. Le prix du travail rémunéré !
Qu’en est-il du travail que nous faisons, lorsque nous en faisons un sans être payé pour ça ?
Et d’abord dans quelles circonstances travaillons-nous sans être payés ?
Le travail est-il seulement travail lorsqu’il est rémunéré ?
Oui selon les personnes qui estiment que le mot travail représente une chose qui s’inscrit uniquement dans le cadre de la vision socio-économique du travail. Non si on part du principe que le travail existe dès lors qu’il y a changement d’état de quelque chose qui n’est pas exclusivement destiné à l’être ou l’objet qui le produit.
Et il y a même travail dans le fond lorsqu’une personne produit quelque chose qui transforme ou change l’état des choses en elle-même. On parle de “faire un travail sur soi”, ce qui est immatériel, intérieur, mais qui pourtant demande un effort ! Et n’est généralement pas rémunéré … on se paye rarement soi-même des efforts que l’on fait. Quoique : il n’est pas si rare de s’accorder quelque repos après avoir contribué à faire avancer les choses, ou un moment de distraction. A qui le doit-on sinon à soi-même ?
Mais en principe je ne travaille pas pour des nèfles
Si il y a une chose qui semble assez universelle, c’est qu’un travail, quelqu’il soit représente un changement d’une manière ou d’une autre, et que ce changement implique une dette envers celui qui produit ce travail. Lorsque cette dette est tournée vers soi-même son paiement n’a pas à faire l’objet d’un paiement.
Si cette dette est contractée par une autre partie que nous-mêmes, elle peut être couverte de différentes manières.
Et si nous agissons de telle sorte qu’un travail que nous faisons, quelqu’il soit, puisse profiter à d’autres, il semble raisonnable que ces autres s’acquittent de la dette ainsi contractée. Cet acquittement se fait par le versement d’un salaire, qui constitue le revenu de ce travail.
Le salaire est communément payé en argent, en monnaie sous une forme concrète avec des pièces et des billets, ou par un virement sur un compte bancaire ou peu importe. Le vecteur le plus courant c’est l’argent.
Mais il n’est pas rare d’être payé d’autres manières, par la fourniture de biens ou de services qui nous sont utiles.
Une personne qui fournirait un travail à un employeur et qui en recevrait par exemple le gîte et le couvert en rémunération, plus un petit quelque chose en argent pour y trouver une liberté quelconque en plus serait correctement rémunéré. Le montant d’un salaire est parfois assez complexe à décrypter.
Dans une société organisée de telle sorte que les gens ne manquent de rien, le salaire pourrait être pourvu principalement par l’accès à tous les services communs, et les rémunérations complémentaires pourraient être assez faibles.
Les sociétés ont souvent préféré évoluer vers des systèmes dans lesquels les rémunérations sont les plus importantes pour laisser chacun libre de choisir les biens et services selon son désir et les lois du marché. Ce qui correspond à une vision libérale de la société, dans laquelle les biens et services communs sont réduits au minimum.
L'évolution du marché du travail au fil des temps
L’un des problèmes récurrents liés au travail des gens, vient, comme nous l’avons vu plus haut, du fait que l’ère industrielle, commencée au 18ème siècle, on parle de la révolution industrielle à partir du 19ème siècle, et qui a permi de mettre tout le monde au travail dans des entreprises organisées a terminé un cycle important.
Avant la révolution industrielle, les peuples vivaient dans des pays aux activités principalement agraires et artisanales. A partir de la révolution industrielle le travail des humains s’organisent de plus en plus autour de la production dans des usines, des industries, permettant d’extraire, de transformer des ressources, de fabriquer des produits semi-ouvrés, ouvrés, des produits finis, des biens de consommation ou d’équipement … cela n’existait pas avant. Et cela a changé le visage de l’humanité toute entière.
La part du travail agricole a proportionnellement diminué, en apportant y compris dans l’agriculture la mécanisation, l’industrialisation de la transformation des produits etc.
Aujourd’hui un pays comme la France, qui compte un peu moins de 70 millions de personnes, dont un peu moins de 30 millions d’actifs, fait travailler à peu près un million de personnes dans l’agriculture.
C’est une part faible de la population qui contribue à “nourrir” le pays. Deux siècles plus tôt on estime que 5 personnes sur 6 travaillaient dans l’agriculture. Si ce ratio était encore vrai aujourd’hui, l’agriculture pèserait plus de 20 millions d’emplois.
L’ère industrielle, et sa conséquence première : la mise au point de communications terrestres avec les chemins de fer ont totalement modifié le paysage et la carte du travail. Le chemin de fer, suivi par l’industrie mécanique, qui a apporté nombre de choses à l’industrie elle-même, et à l’agriculture. Au début du 20ème siècle les premiers tracteurs font leur apparition, pour remplacer le travail de 20 personnes et plus.
Et maintenant quel avenir pour travailler ?
Désormais, nous sommes dans une ère que certains qualifient de post-industrielle. Peu importe l’étiquette. Mais ce qui s’est déroulé sur un peu moins de deux siècles principalement consiste à avoir industrialisé par le travail des gens, appris à maîtriser des technologies pour remplacer le travail des gens par des dispositifs, des outils, des automates, et désormais l’industrie des hommes se passe de plus en plus d’eux pour continuer de produire.
De plus en plus de choses se font par le travail non plus des gens mais des outils eux-mêmes.
L’outil est un objet inventé, produit pour permettre à la personne de réaliser quelque chose plus facilement. C’est une extension de nous-mêmes qui nous donne la possibilité de soulager notre travail, de le rendre plus facile, ou d’augmenter par exemple la distance à laquelle nous pouvons agir sur notre environnement.
Historiquement l’être humain créé des outils depuis toujours. Pour se faciliter les choses, pour mieux faire et avec moins d’effort. La personne qui utilise l’outil est bien celle qui produit le travail, en améliorant sa capacité à le faire grâce à l’outil. L’outil en lui-même n’est pas doué de la capacité de faire le travail sans que l’ouvrier ne le tienne ou le commande.
On a mis au point des outils de plus en plus perfectionnés, qui embarquent désormais bien souvent une certaine forme d’intelligence, tant et si bien que les outils peuvent aisément dans bien des circonstances nous remplacer.
De ce fait nombre d’employeurs potentiels, avisés de faire des économies d’argent, de temps, ou d’efforts à gérer des employés, se tournent vers des outils sans ouvriers.
Libérant les employés pour leur permettre de s’occuper à d’autres tâches … ?! Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. En fait ce n’est pas si évident.
Et du coup revenant à la source de nos idées, comment peut-on promettre un travail à chaque personne comme étant un droit absolu, pour vivre dans la dignité, si on diminue le nombre d’emplois possibles en remplaçant les gens par des machines … alors même que la population augmente ?
Dans ce questionnement se pose le problème de savoir quels emplois les gens peuvent trouver. Les métiers proposés par des employeurs changent donc forcément, puisque les emplois d’avant sont occupés en partie par des machines. Il faut donc préparer les gens à trouver d’autres activités.
Ce que semble t-il personne n’a trop bien anticipé.
Or, et pourtant, la majorité des gens ne sont ni oisifs, ni égoïste à ne vouloir vivre que pour eux-mêmes. Ils expriment bien souvent le désir de se rendre utiles, d’exister dans la société par leur action, leur contribution à quelque chose, le fait qu’ils puissent partager ce qu’ils savent ou connaissent.
Et dans un contexte où le travail traditionnel se raréfie, les activités humaines se tournent petit à petit vers d’autres perspectives permettant à chacun de dire “je travaille, je produis quelque chose, j’existe au milieu des autres, et je peux vivre dignement”.
Le travail traditionnel consistant à se rendre dans une entreprise qui a tout prévu pour me confier des tâches et me payer à la fin du mois devient rare. Il devient rare parce que les employeurs ne souhaitent pas qu’il soit maintenu comme étant la règle. Là où le travail est répétitif et planifié à l’avance, on met des machines, des logiciels, plus des gens.
Les modes émergents de travail sont les modes qui visent à répondre à des besoins plus souvent ponctuels, impliquant d’avoir éventuellement plusieurs employeurs pendant une période donnée, et de ne faire payer que des actions au fil des des besoins. Les employeurs deviennent des clients, et les employés des fournisseurs. Et les clients, sont exigeants.
Les “employés” deviennent alors entrepreneurs pour eux-mêmes, sont souvent amenés à chercher leurs clients, à assurer à la fois l’invention si besoin, la production de ce qu’ils vendent, la garantie, le contrôle de la qualité. Et l’entreprise “traditionnelle”, celle qui, bienveillante, pourvoit à toutes choses disparaît complètement.
Et si on repartait des bases essentielles ?
Et pourtant les choses n’ont pas tant changé que cela depuis la nuit des temps.
Pourquoi les sociétés s’organisent-elles en groupes, en communautés ?
Pourquoi faut-il que les humains se rassemblent dans des cités ?
La question, fondamentale, trouve deux écoles de réponses :
- les uns disent que les humains se rassemblent pour se protéger avant toutes choses. Appelons-les sécuritaires.
- les autres pensent que ce n’est pas par soucis de sécurité mais pour coopérer, et former de plus grands projets. Nous les appellerons les sociaux.
Les sécuritaires considèrent que la société s’organise pour protéger ses membres. Dans cette tendance idéologique, il en est qui considèrent que chacun fait ce qui lui plaît sous réserve que cela ne nuise pas aux autres. La société dans son ensemble doit seulement s’inquiéter de faire exister un ordre des choses qui règle les nuisances, qui peuvent avoir pour origine des acteurs ou des facteurs endogènes ou exogènes.
Ce qui est endogène correspond aux désordres et aux nuisances produites à l’intérieur de la cité. Un individu peut créer une nuisance, la loi de la cité peut le rappeler à l’ordre, le condamner, le punir, c’est fonction de la manière dont la société s’organise. La cité dispose généralement de lois, d’une police pour entretenir l’ordre, et d’une justice pour établir comment faire respecter cet ordre. Quand à la loi elle est exprimée selon les modes d’organisation par voie du peuple, de ses représentants ou d’un autocrate, d’une aristocratie, d’un monarque. Tout existe en ce bas monde.
Ce qui est exogène est considéré comme “étranger”. Les agressions ou nuisances exogènes relèvent de la “sécurité extérieure”, des “affaires étrangères”. La cité dispose d’une forme particulière de police pour faire régner l’ordre sur cette partie extérieure à elle-même : une armée, un instrument militaire. Accessoirement celui-ci est également et judicieusement complété par une diplomatie !
Ces aspects de l’organisation sociale ne sont pas nouveaux, ils existent au moins depuis les débuts de l’Histoire, c’est à dire la partie du temps de l’humanité qui dispose de traces écrites et comprises. Mais sans aucun doute les cités, civilisations, peuples connaissaient ces choses avant même que l’écriture permanente et répétée nous en apporte témoignage.
Les sociaux quand à eux partent du principe que la société est là pour bâtir. Faire de nouvelles choses qui permettent à la société de progresser. Cela peut être de construire un bâtiment, une route, d’assécher un marais, de bâtir un palais pour abriter un chef, ou des représentants … bref, quand on est plus nombreux on peut mieux certaines choses.
Pour faire de grands projets il faut s’organiser. Disposer des compétences diverses des uns et des autres pour mener à bien des entreprises inaccessibles à une personne seule.
Toutes considérations particulières mises à part, on peut supposer que les humains livrés longtemps à eux-mêmes quand ils étaient moins nombreux et à l’état sauvage, ont été confrontés à des difficultés assez simples à imaginer, et qu’ils se sont associés en groupes de plus en plus larges pour à la fois se protéger et bâtir ensemble. Mais ce qui construit est la coopération entre les gens, et ce qui détruit ce sont bien souvent les désordres et les atteintes à la sécurité.
Ce qui est certain c’est que seul on peut aller plus vite, ensemble on peut aller plus loin !
C’est la raison pour laquelle les gens se regroupent en cités, en peuples, en sociétés, partagent le savoir, mettent en place une communication partagée au travers d’une langue commune, dessinent des plans pour construire de quoi s’abriter, des endroits particulier pour l’agriculture, pour disposer de l’élément vital pour tous qui est l’eau. Avec le temps on y a ajouté des biens communs que sont les voies de communication pour se déplacer, l’énergie qui est, et ce n’est pas si vieux, accessible à peu près à tout le monde …
Si la cité n’avait pas connu ce progrès, du construire ensemble, nous ne pourrions pas lire à l’autre bout du monde ce que l’un d’entre nous écrit confortablement installé sur un ordinateur.
Et c’est beau. Parce que quelque part nous sommes parvenus à une forme d’humanité qui peut partager plus, se retrouver de manière associée plus largement à des projets communs.
Si ce n’était quelques soucis d’organisation qui font que l’on confie parfois nos destins à des gens qui ne savent pas nous rendre les services qu’on peut espérer, quand ils ne s’emparent pas d’un pouvoir sur les autres par force ou bien par ruse, on peut penser qu’une fois les questions de partage bien réglées les choses seraient assez bénéfiques pour chacun et pour tous.
Faut il- travailler pour vivre, ou bien vivre pour travailler ?
Donc dans nos sociétés, et en se remettant au présent, nous avons une existence, que nous n’avons pas souhaité obtenir avant de naître, mais comme chaque être humain est construit avec un instinct de survie, nous aimons pouvoir vivre, le plus libres possible, en assurant au mieux les choses essentielles que sont le gîte, le couvert, et quelques bricoles qui nous amusent pour qu’on ne s’use trop vite.
Ainsi va la vie. Et puisque nous avons construit un système qui dit que chacun a le droit à un travail pour exister et vivre dignement, tout est bien dans le meilleur des mondes possibles.
Sauf que … ce travail pour chacun, il n’est pas évident de le trouver dans le monde “post-industriel”, dans ce monde en perpétuelle évolution, dans lequel les projets communs se font plus rares d’ailleurs.
Il s’éloigne le temps des sociaux qui tenaient les clefs du pouvoir pour former de grands projets permettant de construire le bien commun. Et il nous revient le temps des sécuritaires, les plus individualistes d’entre eux tenant pour vérité le fait que c’est à chacun de se débrouiller.
Dans ce contexte changeant, l’Histoire nous montre que tout change toujours et continuellement, nous avons à peu près épuisé ce contrat social qui permettait à des gens compétents de prévoir et d’organiser pour les autres de quoi répondre aux besoins de tout le monde.
Il n’est plus possible pratiquement de se dire qu’on va aller à un endroit, attendre son tour et en repartir avec un travail. Il n’est plus possible de vivre avec cette sécurité, non pas d’avoir un travail pour toujours, mais à peu près un travail tous les jours.
Et comme l’organisation économique et sociale postule que chacun ayant droit à un travail rémunéré pour vivre dignement, personne n’est laissé de côté, les choses sont bien compliquées puisque ce n’est pas vrai.
Or une chose est certaine. Ce n’est pas le travail qui manque. Il y a bien sûr des gens qui veulent bien rester à ne rien faire, mais si on y regarde de près cela reste marginal. Ce serait même facile à recadrer si on voulait le faire bien.
Non ce n’est pas le travail qui manque. C’est le travail rémunéré. Et cela tient à plusieurs choses. D’une part le travail n’étant plus majoritairement fait pour des organisations qui prévoient à long terme et embauche des salariés, et d’autre part le travail le plus simple, accessible à tout un chacun étant de plus en plus réalisés par des outils qui ne requièrent plus l’intervention des humains, il devient compliqué de trouver un travail rémunéré.
Pour avoir sa chance, il faut proposer une qualité de production, matérielle, ou intellectuelle, plus élevée. Pour sortir du lot des personnes qui cherchent un travail rémunéré il faut être plus performant. Plus performant signifie aussi d’être souvent moins coûteux que d’autres pour le même travail.
Et puis il y a moins de travail rémunéré globalement, moins bien rémunéré, donc les gens disposent de moins d’argent qu’on leur donne pour ce qu’ils font, et ne donnent plus eux-mêmes tant de travail qu’avant. Qu’ils consomment ou emploient des personnes, ils réduisent eux-mêmes les ressources qu’ils utilisent.
Jusqu’à ce qu’on trouve de nouvelles possibilités de travail rémunéré !
Le travail rémunéré c'est la santé
Parce qu’au fond la question qui se pose est bien là. Le travail ne manque pas. Ce qui reste à manquer ce sont les rémunérations.
Aujourd’hui je pourrais décider par exemple d’aider des gens à remplir leur garde-manger. Ce n’est pas un travail compliqué, mais ce qui est compliqué est d’en faire un travail rémunéré. Pour que ça fonctionne et que mon travail soit “socialisé”, il faut que les gens pour lesquels je donne de mon énergie me paient de manière à percevoir une rémunération sous une forme qui respecte les règles de notre société : il y a des cotisations sociales, des impôts éventuels, de ces sortes de choses qui font que je ne dois pas en principe faire ce travail sans un cadre juridique et social précis.
Une réponse assez simple proposée par les gouvernement récents est le statut de micro-entreprise qui est possible grâce à une certaine dénaturation du caractère social du travail.
Normalement, puisque le travail est un droit fondamental, pour permettre à chacun de vivre dignement, la dignité impose que lorsque je travaille, ma rémunération permette que j’ai le gîte et le couvert, mais aussi de quoi tenir bon quand je suis par exemple malade, en congés, à la retraite, et que je puisse aussi subvenir à l’éducation des enfants si j’en ai à ma charge.
Pour obtenir cet équilibre complet, les gens qui ont mis en place les bases de l’économie sociale toujours en vigueur aujourd’hui, l’ont fait en pensant à mettre en place une sécurité sociale, un régime de retraite, et … une éducation nationale pour l’école accessible à tous, gratuitement, … enfin ils ont pensé les choses pour que le travail permette de financer toutes ces choses indispensables pour permettre de répondre à ce droit fondamental “vivre dignement” dans un monde de liberté.
Les modes nouveaux d’organisation du travail ont ouvert une première brèche importante en créant le statut d’auto-entrepreneur, puis de micro-entreprise, pour répondre à un soucis de résorption d’un chômage endémique, mais pour que ce statut soit acceptable ils ont concédé que le travail ne serait plus aussi prévoyant en matière de financement social.
Les “charges sociales”, c’est la partie de salaire que les personnes mettent de côté pour financer les moments de la vie qui impliquent qu’on puisse vivre sans salaire suffisant, ou sans salaire du tout. Ces charges sociales ont été depuis de longues années une marotte pour les tenants d’une société sécuritaire et libérale, moins sociale, et ont connu des dérogations multiples, et progressivement nous sommes arrivés avec le mandat présidentiel 2017 et son remarquable président illusionniste, à voir la société globalement accepter que les régimes sociaux existants plutôt que de tenter d’être enfin unifiés au niveau le plus appréciable pour la population, soient rabotés, alésés, allégés.
Pour en apparence réduire le chômage, et permettre de retrouver ce droit fondamental qui est que chaque personne puisse disposer d’un travail pour vivre dignement, il est désormais acté que le travail n’a plus valeur de protection sociale autant qu’avant. Cette prise d’acte s’accompagne de manière assez floue d’une promesse de pourvoir ultérieurement à la mise en place de moyens et budgets sociaux permettant d’assurer la santé et la retraite. Mais promesse n’est pas prévoyance.
Le travail rémunéré protège donc moins bien, c’est un fait depuis un certain temps, et c’est désormais d’autant plus remarquable que beaucoup de gens travaillent sans aucun droit particulier à vivre dignement lorsqu’ils sont sans travail.
Et comme il y a peu de dispositions qui compensent cette raréfaction du “travail classique” par de nouvelles perspectives de pouvoir travailler et vivre dignement avec l’encadrement légitime d’une protection sociale cohérente, nous sommes devant une situation qui était prévisible, il faudra bien se ranger à l’idée que désormais le travail, vu comme activité humaine en général, n’est plus le facteur clef de ce qui permet de vivre en toute dignité.
Cette perspective n’est pas une découverte tout à fait nouvelle et a fait naître l’idée qu’il devient nécessaire d’organiser les choses pour chaque être humain puisse vivre dignement indépendamment du fait qu’il dispose d’un travail rémunéré ou pas.
Aux personnes qui parviennent à s’intégrer dans une activité rémunérée, tant mieux, si elles bénéficient de revenus suffisants elles s’en sortent bien. Et aux autres qui n’ont pas de revenus suffisant, ou aucun revenu, il faut bien que la société réponde solidement, et solidairement, avec cette responsabilité constante de permettre à chacun de vivre dans la dignité.
Nous en sommes loin. Très loin, et pourtant la solution est simple, elle est connue. Bien qu’il existe plusieurs variantes à cette réponse, il s’agit du revenu universel, appelé également revenu de base, qui correspond à une redistribution systématique d’une partie de la richesse globale, à toute personne ne disposant pas du revenu nécessaire à vivre dignement.
Que ce soient des théoriciens ou des personnes plutôt ancrées sur le terrain politique, nombre de gens ont tenté d'argumenter et de normaliser la définition de ce qu'on appelle "la valeur-travail". Il n'existe pas de définition qui puisse faire consensus et mettre tout le monde d'accord. Parce que le travail et la rémunération ne sont pas connectées ensembles de manière simple et stable. Si le travail rémunéré se mesure au prix qu'on lui accorde, qu'en est-il du travail qui ne l'est pas, des gens qui ne travaillent pas, et pourquoi le marché du travail fixerrait la valeur en fonction de l'offre et de la demande ?
Personne ne se met tout à fait d'accord en abordant le revenu des gens par le travail. D'autant que le travail change, les modes de travail, les valeurs reconnues pour chaque cas, en fonction du moment, du lieu.
Et la valeur des gens, qui y a pensé ?
Que ce soit un revenu de base, universel, un salaire à vie, sous ses différentes formes, le revenu de base est reconnu comme solution à une problématique simple : il n’est pas écrit que le travail rémunéré puisse bénéficier à tout le monde, et ce d’autant plus que le travail des humains change de forme, de contenu, et ne peut pas nécessairement trouver un employeur-client-payeur face à chaque employé-fournisseur.
Cet exposé ne vise pas à développer plus avant les possibles sur la question du revenu universel, ce sujet sera traité dans un autre document.
Mais il est ici question de définir pourquoi nous travaillons, pour qui, comment nous organisons les choses pour ne pas travailler pour rien.
Nous travaillons quoiqu’il arrive. Nous mangeons, et nous avons besoin pour ce faire d’aller chez un marchand acheter des produits. C’est un travail. Ce travail étant pour soi-même il n’est pas rémunéré, naturellement. Nous nous abritons et payons un loyer, ou nous avons acheté un logement. Dans un cas comme dans l’autre ce que nous faisons produit une part de travail, mais ce qui est important c’est que cela produit aussi un besoin d’une certaine richesse.
Acheter de quoi manger, ce n’est pas une fortune, mais encore faut-il pouvoir s’adresser à l’épicier avec un moyen de paiement pour repartir avec les provisions. Cet argent vient d’où ? En règle générale soit du travail que je fais, soit d’un revenu dont je dispose d’une manière ou d’une autre, ou encore de la générosité d’autrui pour m’aider dans la vie ?
Il est nécessaire, pour que chacun puisse vivre dignement, que chacun dispose d’un revenu, ce qui était possible par un travail avec un salaire dans une entreprise pour beaucoup de gens à l’ère des usines et des bureaux qui employaient beaucoup de gens, et ce n’est plus le cas désormais.
Force est de constater que cette idée n’est pas dogmatisée par les sécuritaires plus que par les sociaux, c’est une idée partagée largement et particulièrement par les gens les plus riches de notre Monde. Car eux savent bien que la richesse qu’ils ont acquise provient du travail des autres.