dimanche 2 septembre 2018

L'actualité sous le filtre de ma (presque) mauvaise foi. 1 et 2 septembre 2018


Edouard Philippe exprime l'idée qu'une journée d'arrêt de maladie est assimilable à un jour de congés. On aura compris que ça l'emmerde de savoir qu'il y a des congés payés, et 5 semaines en plus c'est vraiment de la vieille politique. Le vrai changement pour lui serait sans doute de supprimer le statut de salarié, ça lui correspondrait mieux ? On lui concède une mauvaise explication de texte.

De fait l'augmentation du volume des journées d'arrêt de maladie renvoie à la qualité déplorable de l'organisation du travail dans nombre d'entreprises et d'organisations qui utilisent de plus en plus souvent des méthodes managériales toxiques pour tenter d'adapter les personnels aux “contraintes économiques”.

C'est certain que dans la mesure où les bénéfices augmentent pendant que les rémunérations proposées et les effectifs diminuent on est bien devant un problème de société. Mais il ne faut pas faire d'amalgame entre congés payés, ou même sans solde, et arrêt de maladie, c'est juste honteux de la part de l'acide doudou normand.

Laurent Wauquiez au mont Mézenc : « Cette rentrée, c’est celle de la fin du mirage macronien ». Les Républicains ont des problème avec la langue française. C'est le virage macronien, pas le mirage. Ils sont partis à pied de la gauche de la droite les marcheurs, et ils arrivent à la droite de la droite, à bout de force. Wauquiez va finir par passer pour un agitateur progressiste.

En tout cas les LR étaient plus de 1.500 dimanche dernier, adhérents, militants et élus de leur famille pour la traditionnelle ascension du Mont Mézenc autour de Laurent Wauquiez. "C'est en ce lieu que nous retrouvons cette France dont nous sommes les héritiers et que nous voulons transmettre à nos enfants.

Pendant son discours de rentrée, Laurent Wauquiez a conjointement défendu « le niveau de vie et le mode de vie français »."

De vrais défenseurs des droits, des droites, enfin bref, pas des gens de gauche quand même. Bon je dis rien pour le Mont Mézenc, à cause de Solutré, mais quand même, les trésors du Massif Central devraient être interdits d'accès aux étrangers. Wauquiez n'est pas natif des Estables. Et les politiques devraient arrêter de vouloir se montrer sur des sommets, ils ne se grandissent pas aussi simplement. Sinon Mélenchon aurait déjà tenté le Mont-Blanc ou Le Pen l'Everest, qui sont bien assez tâchés par les godasses et les papiers gras des touristes les plus gougnafiers, pour ne pas y rajouter des carcasses plus ou moins ragoûtantes.

Tous s'en prennent à Macron. Même Philippe qui appuie sur le fait que le prélèvement à la source c'est trop risqué. Du coup Macron ose plus y aller, et va petit à petit forcer Darmanin à passer pour un con, lui qui est tellement dévoué le pôvre ! En fait on est pas sûr, mais on a un gros doute sur la mise en place du prélèvement à la source après, pourtant, une mobilisation générale, en particulier des entreprises qui ont commencé à absorber les coûts de mise à jour des outils de gestion de paye.

L'exécutif doute ... il est pas prêt, et il est emmerdé parce que les fonctionnaires des impôts sont pas très dociles pour garantir un truc mal ficelé, d'autant qu'ils sont parmi les plus martyrisés en matière de réduction des effectifs. Du coup l'Etat montre les limites des bornes en craignant fortement de ne plus être en mesure de collecter bien les taxes et impôts. Ailleurs on dirait qu'ils ont coupé la branche sur laquelle ils étaient assis, et ça ne nous étonne pas quand on voit toutes les conneries dont ils sont capables.

Les errements du président ne sachant plus à quel saint se vouer. Il aurait préféré attendre qu’on le Sèvres mieux avant de casser la vaisselle.

Il ne pourra pas compter sur le secours de François Hollande qui, enfin, pense du mal de lui, mais c'est juste parce qu'il lui a fallu une bonne année et un succès en librairie pour se rendre compte que gentil ça suffit pas pour être apprécié. Il convient d'être un peu vache avec les gens, pour que ceux qu'on n’égratigne pas vous aiment, et tant pis si ça ne fait pas majorité. Ça ressemble à une cour de récré tout ça non ? Avec les gosses qui forment des bandes, des fois pour cultiver de l'amitié, mais plus souvent pour tenter de départager ceux qui pourront repartir gagnants au jeu de la balle et du prisonnier.

Souvent, les jeux ça reflètent la société, et pour cause, le jeu n'est-il pas le premier terrain d'apprentissage du combat contre les adversités ?

En ce moment l'adversité pour Macron, c’est l'incompréhension du plus grand nombre face à son discours, son humour ... si si, son humour. On est pas obligé de le comprendre, mais il dit qu'il en a, donc ça doit être vrai même si ça prête à confusion. Il fait tout pour être aimé, et ça fonctionne pas. Le Macron a beau faire, il n’obtient pas la compétence de love machine. Avec lui plein de gens ont plutôt l’impression de se faire baiser, ce n’est plus de l’amour, c’est du vice.

Et à l’opposé l'adversité du peuple, c'est l'incompréhension de Macron qui ne peut pas entendre que ce qu’il demande, le peuple ce n'est pas du pain et des jeux, mais de la justice sociale. Ce dont le pays a les moyens, mais les moyens sont mal utilisés pour permettre de gérer les choses au bénéfice du plus grand nombre.

Le bistouquet s'était choisi l'iconographie olympienne, il tombe le plus souvent dans l'opinion au rang d'un Louis XVI. En France quand on fait référence à “croix baton vé”, c'est qu'on a des envies de déconnecter le chef du chef du corps de l'état.

Mais on n'est plus fin de siècle version 18ème. Louis le seizième était probablement un peu distant de son peuple, mais plutôt sympa, entre la perte du pouvoir absolu et celle de sa tête, il a fait de larges concessions pour tenter de permettre au peuple de s'exprimer avec autre chose que des fourches et des piques. Il était sans doute plus humaniste et plus social que ne peut l'être Macron. Plus humain, tout simplement ? Ou plus conservateur de sa propre tête ! Mais il a pris, ramassé pour tous les autres ... sans Louis XIV et ses excès, Louis XVI aurait pu survivre, ... si il avait pu naître évidemment.

Enfin il a pas tout ramassé quand même. Quand on lui a coupé la tête il a laissé tomber ! Faut dire qu'avec les mains attachées dans le dos, ça rend pas les choses très aisées.

Je suis contre la peine de mort et contre tous les raccourcis. Abréger la vie ou diminuer artificiellement la taille d'une personne c'est pas bien. Toutes les mutilations sont abominables de toutes manières. Les mutilations en tous genres, y compris celles de la nature.

Bon, pour revenir à nos moutons, enfin à nos bergers, les moutons, ceux qu'on tond, c'est plutôt nous, ce week-end l'agitation têtale est maximale entre l'Elysée et Matignon, les vacances sont terminées, et déjà le bénéfice qu'elles pouvaient promettre de faire, pour une rentrée avec une belle énergie, est dilapidé. L'énergie étant justement un des sujets qui fâchent, le ministre en charge des batteries est parti en claquant la porte. Non sans avoir averti l'hyper-ministre-président, ce qu'on apprend tout juste. Hulot avait mentionné son départ explicitement la veille, après un rendez-vous de chasse qu'il estimait surréaliste.

La vacance de Monsieur Hulot ! Remplacer Hulot. L'exécutif a testé l'opinion avec Royal, sans gros succès, avec Cohn Bendit, ça grince sec quand même, mais qui mettre qui pourrait être une belle prise à “gauche” ... ? Ben oui forcément, des écolos à droite ... enfin bref. C'est compliqué.

On pourrait nous faire tester Wauquiez, Sarkozy, pourquoi pas ? Ils sont capables d'être très verts aussi ? Côté langage, sinon c'est plutôt pas. C'est des gens qui font dans le tri sélectif, mais plutôt sur les humains.

Macron laisse entendre que le risque du départ de Hulot était parfaitement anticipé. Il pensait plutôt remanier début 2019, après avoir fait quelques travaux de nettoyage autour de lui, le coup des conseillers et chargés de mission n'étant pas encore digéré. Ben le remaniement, c'est pour maintenant, anticipé. Emmanuel le Prévoyant. Sa pète comme épithète, sauf qu'il a rien d'un écureuil et ne nous épargne pas grand chose. On voit bien qu'il s'aime à tout vent, et n'anticipe pas les difficultés en voulant de tout s'occuper.

Il y en a un qui joue la couleur verte aussi, c'est Stéphane Bern. Il est un peu sous le choc apparent de constater que les textes votés par les parlementaires ne marchent pas dans le même sens que lui. Vert, pas encore de rage, mais on voit l'orage. Il a pas aimé en particulier la loi Elan, en se disant "choqué de voir cette loi qui détruit des pans entiers de sites protégés sous prétexte qu'ils sont vétustes", et "qui se passe des avis conformes des Architectes des Bâtiments de France".

Sans critiquer directement l'exécutif, il porte plutôt le glaive sur les parlementaires, mais ... il n'apprécie pas beaucoup d'être envoyé à la quête avec le loto patrimoine, qui débute ce lundi, sans aucun autre moyen pour financer les projets retenus dans son programme. Le loto patrimoine ne finançant pas le tiers des besoins nécessaires aux projets retenus, il annonce que son action s'arrêtera si on ne lui donne pas ces moyens, conformes aux ambitions affichées par Macron lui-même au mois de mai.

Du coup, quand ça grince de partout comme ... on se demande si l'étincelle Hulot ne sonne pas l'hallali avant même l'ouverture de la chasse.

Hulot est-il le tombeur de Macron ? Le président réclame une discipline forte parmi les ministres en attendant de trouver comment reprendre le dessus. Après avoir vu passer en mode attente les débats sur les réformes institutionnelles, avant les congés, pour cause de Benalla dérangeant, c'est le séminaire de rentrée de l'exécutif qui est reporté de quelques jours, histoire de caler le jeu des fauteuils ministériels musicaux pour cause de Hulot démangeant.

Stéphane Bern râle. Mais pourquoi sont-ils tous en train de péter un câble l'un derrière l'autre ?

Probablement pour la même raison qui fait que le nombre de jours d'arrêt de maladie a un peu augmenté. Question d'organisation du travail, qui est mal, très mal géré. Dans la maison France, qui est tout sauf une startup, les méthodes du gérant Macron ne font pas recette. Et pendant ce temps-là les choses se dégradent partout sur la planète. Les balbutiements d'un exécutif français ne doivent pas se cacher derrière des slogans sans lendemains.

"Make Our Planet Great Again" sont des mots qui n'ont visiblement pas pris tout leur sens dans l'esprit de celui qui les a prononcé. Alors nous devons faire les choses nous-mêmes, si nous aspirons à pouvoir sortir des pires difficultés, il semble que ce soit mieux de le faire sans Macron.

Sans Trump aussi, sans Poutine, sans Merkel, sans tout un tas de gens usés par le pouvoir, avant même peut-être de l'avoir obtenu. Ce n’est pas vraiment leur planète à eux, mais bien la nôtre.

Et l’almanach dans tout ça ! ?

Le 1er septembre, 15ème jour de fructidor est le jour de la truite. Et le lendemain est le jour du citron 😊 Il est courant d'en utiliser avec le poisson.

Le 2 septembre de l'an -31 a lieu la bataille d'Actium. C'est un moment clef de l'Histoire qui verra la République romaine basculer en empire. Octave et Antoine se disputent l' "héritage" de César, assassiné en -44. C'est un peu la lutte de l'Occident d'Octave qui dirige depuis Rome, contre Antoine associé à Cléopatre établis en Egypte. Octave en sortira vainqueur et empereur.

Le 2 septembre 1666 débute le grand incendie de Londres, qui ravagera pendant 3 jours le centre ville. On comptera plus de dix mille maisons brûlées, ainsi que des dizaines d'églises, des bâtiments publics. Une catastrophe considérable d'une ampleur telle qu'il n'a jamais été possible de déterminer le nombre précis des victimes. L'évènement a eu de nombreuses conséquences, parmi lesquelles on peut mentionner l'émergence de règles d'urbanisation plus précises, et l'invention de l'assurance incendie.

En 1715, c'est le jour du décès de Louis XIV. Louis XV, âgé de 5 ans, attendra sagement d'être majeur pour exercer le pouvoir à 14 ans. On appelle ça une monarchie, je soupçonne quand même que ça soit plutôt un gros bazar. D'ailleurs le règne de Louis XV n'ornera pas l'Histoire de France des plus beaux succès de prospérité.

Le 1er septembre 1939 est le jour où commence l'invasion de la Pologne par l'armée allemande. Et c'est aussi le jour où débute les faits répertoriés dans les "Euthanasie-Akten", aussi connus sous le nom de "Aktion T4". Il s'agit pour le régime nazi, s'appuyant sur des thèses déjà développées et à la mode, de procéder à l'élimination de toutes sortes de personnes handicapées. Ce programme créa un certain trouble et fut officiellement déclaré abandonné en 1941 après avoir, officiellement toujours causé 70 à 80.000 victimes. On saura de fait, en 1945, que ce programme ne fut jamais vraiment interrompu, et qu'il a servi de base à l'extermination de beaucoup de gens, se focalisant particulièrement sur les juifs.

Aktion-T4 est historiquement déclarée par Adolf Hitler lui-même en ces termes :

« Le Reichsleiter Bouhler et le docteur Brandt sont chargés de la responsabilité d'étendre le domaine de compétence de certains médecins, nommément désignés, afin que les patients qui, pour autant que l'entendement humain puisse en juger après un diagnostic des plus approfondis, sont considérés comme incurables aient droit à une mort miséricordieuse. »

— Adolf Hitler, le 1er septembre 1939

En des mots assez bienveillants, il y est fait preuve d'un tel décalage avec la morale qui est la nôtre ... et c'est comme ça que s'écrivent les pires pages de l'Histoire humaine, avec des mots d'une certaine humanité.

Miséricorde, on en demande pas tant. On voudrait juste que les empêcheurs d’humaniser en paix se cachent pour mourir pendant que nous on s’occupe de soigner les oiseaux.



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La vraie démocratie (29/8/2018) : Médecins prescripteurs de jours de congés ? Les propos d’Édouard Philippe font réagir les syndicats


Il a pas l'air content ...
il rentre pas un peu la tête dans les épaules là ?
Je le trouve affaissé. Panpan cucul.
Dérapage contrôlé ou maladresse verbale ? Les récentes déclarations du Premier ministre sur les arrêts de travail pour maladie ont été plus ou moins bien appréciées par les représentants des médecins libéraux. Dans l’entretien accordé au « Journal du dimanche », Édouard Philippe a indiqué que « chaque année, un peu plus de dix milliards d’euros sont consacrés à l’indemnisation des salariés arrêtés, et ce volume progresse de plus de 4 % par an.

 En trois ans, le nombre de journées indemnisées est passé de onze à douze par an et par salarié du privé ». Pour le locataire de Matignon, « c’est comme si notre pays avait instauré un jour de congé supplémentaire ».

Ce rapprochement syntaxique entre arrêt maladie et jour de congé a aussitôt fait bondir l’Union française pour une médecine libre (UFML-Syndicat). « Le Premier ministre sous-entend-il une défiance à l’égard des médecins dans leur dispensation (complice) des arrêts de travail et à l’égard des patients dans leur demande (injustifiée) ? », tempête le syndicat.

L’UFML rappelle que « les médecins prescrivent des arrêts de travail à leurs patients, tout au long de l’année et sur tout le territoire, mais ils ne prescrivent pas de jours de congés ». « Les médecins hospitaliers ou de ville n’ont pas à respecter de quotas mesurés à l’impact économique de ces arrêts de travail mais à déterminer à chaque instant la nécessité médicale d’une telle prescription », a ajouté le syndicat.

Assimilation aux arrêts de complaisance

Interrogés par « le Quotidien », MG France, la FMF et le SML ont unanimement déploré « la maladresse verbale du Premier ministre ». « C’est particulièrement maladroit. On assimile encore arrêts de travail aux arrêts de complaisance. Il [Edouard Philippe, NDLR] prend les Français pour des tirs aux flancs », réagit le Dr Margot Bayart, vice-présidente de MG France. Celle-ci rappelle « qu’un arrêt maladie correspond à une prescription médicale qui a du sens par rapport à une problématique. S’interroger sur la hausse des arrêts de travail, c’est s’interroger sur les causes. Dans ma pratique, c’est une souffrance, un épuisement professionnel…. »

« Cette tentative de transfert vers les entreprises [de la prise en charge des indemnités journalières, NDLR] visait à mettre la pression sur celles-ci. Mais comme toujours, cela va se répercuter sur les salariés et les prescripteurs. Sur ce dossier, j’aimerais avoir davantage de chiffres précis pour mieux comprendre », ajoute le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.

Le SML va plus loin en plaidant en faveur d’une réforme en profondeur du système d’arrêt de travail. Son président, le Dr Philippe Vermesch, suggère notamment d’harmoniser les règles d’indemnisation des arrêts de travail entre le public et le privé (aujourd’hui un jour de carence pour les salariés du public et trois jours pour le privé) et de soumettre les prescriptions d’arrêts longs, « au-delà de cinq jours, à une mise sous entente préalable par les médecins conseils de l’assurance-maladie ».

Pas une attaque directe

De son côté, le président de la CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, avoue n’avoir pas pris cette déclaration comme « une attaque directe vis-à-vis des prescripteurs mais comme un signal à l’ensemble des acteurs, en particulier le monde de l’entreprise ». « La hausse du nombre d’arrêts de travail doit être renvoyée à l’organisation du travail, le management, la pression au travail. Néanmoins, cette comparaison peut entretenir une ambiguïté », reconnaît le patron de la CSMF.

Bon les gens sont informés ... le premier ministre a dit ! Il veut qu'on arrête de se rendre malades au travail. Ce qui ne devrait pas peser sur le corps médical, ni même sur l'assurance maladie si ce sont les salariés qui abusent ... ça peut arriver, mais c'est quand même finalement pas tellement le problème le plus fréquent, ou bien si ce sont les encadrements ou les dirigeants d'entreprises ou d'organisations qui organisent le travail jusqu'à pousser les travailleurs vers la porte du médecin, ou parfois tristement vers la fenêtre.

La qualité des conditions de travail est une source de bien-être, ou une source de maladie. Le premier ministre aurait pu préciser son arrière-pensée et dire que les employeurs doivent intégrer dans leurs coûts analytiques toutes les saloperies faites aux employés qui souffrent physiquement ou psychologiquement.

Il y a des gens, qui n'ont pas forcément fait l'ENA, qui confirmeront volontiers que la maltraitance au travail est génératrice de dépenses chez les dentistes ! C'est pas inventé. Ou chez les psychologues, ça tout le monde connait quelqu'un qui morfle tellement que ... eh oui. Un chef un peu chiant et hop les maladies arrivent et s'arrêtent sur la tronche du bouc émissaire. Un patron qui ne sait plus comment gérer un personnel sous pression, boum un fourgon d'arrêts de maladie à la première grippe. La faute à qui ? Et pendant ce temps-là on voit tous les efforts réalisés par les employeurs pour dézinguer les syndicats, les CHSCT, et tout ce qui pouvait les mettre devant leurs responsabilités. Ce qui me fait penser que ... c'est qui qui a voulu bousiller le droit du travail au fait ?


20 Minutes (2/9/2018) : Prélèvement à la source: Des centaines de milliers d'erreurs lors de la phase d'essai

Les ministres de l'Economie et des Comptes publics
Bruno Le Maire et Gérald Darmanin,
le 4 décembre 2017 à Tourcoing. — Sarah ALCALAY/SIPA
REFORME FISCALE Prélèvement à de multiples reprises d'une même personne, ou prélèvement par erreur à un homonyme: les tests se sont soldés par des centaines de milliers d’erreurs, révèle le « Parisien »…

La phase d’essai du prélèvement à la source, testé auprès de certaines entreprises en vue de son entrée en vigueur théoriquement prévue début 2019, s’est soldée par des centaines de milliers d’erreurs, affirme samedi le Parisien, citant une note du fisc.

Selon le site internet du quotidien, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a fait parvenir en juillet une note au ministère de l’Economie, évoquant un nombre extrêmement irrégulier d’erreurs d’un mois à l’autre : elles auraient été inexistantes en janvier, avant de culminer à plus de 300.000 le mois suivant. Il n’y a « a priori pas moyen de (se) prémunir » de certaines de ces erreurs, prévient la note, selon le Parisien.

Préoccupation de chefs d’entreprise et de syndicats

La réforme, engagée sous le quinquennat de François Hollande et déjà reportée une fois d’un an, doit conduire à ce que l’impôt soit collecté directement sur les salaires ou les pensions, et non plus acquitté un an après comme c’est le cas actuellement. Sa mise en œuvre a suscité la préoccupation de chefs d’entreprise et de syndicats, qui s’inquiètent de possibles failles ou angles morts.

Emmanuel Macron, a laissé cette semaine la porte ouverte à un abandon et, samedi, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a admis qu’un « arrêt » n’était pas exclu, tout en renvoyant à des considérations psychologiques et non techniques.

Les erreurs ont de nouveau explosé en juillet et août

A l’inverse, la note citée par le Parisien fait bien état de deux anomalies techniques récurrentes : le prélèvement à de multiples reprises de l’impôt auprès d’une même personne, ainsi que le prélèvement par erreur à un homonyme.

Si la note ne porte que sur des tests menés jusqu’à juin, le Parisien affirme disposer d’informations selon lesquelles les erreurs ont de nouveau explosé en juillet et août. Le quotidien cite des sources internes à Bercy, selon lesquelles les erreurs sont le fait des employeurs parmi lesquels, en premier lieu, l’Etat et les organismes publics.

Interrogé par le quotidien, Bruno Parent, à la tête de la DGFiP, a minimisé la proportion d’erreurs, la qualifiant d'« epsilonesque » et jugeant « absurde » l’idée qu’elles soient irréparables.

Voilà quelques précisions qui montrent les causes des doutes de l'exécutif. Et la confiance de Darmanin dans la réussite de ce projet n'est que de façade. Et puis si l’aspect technique de cette réforme est compliqué, il y a aussi l’appétit de l’exécutif à tenter de remonter dans l’opinion publique.

Ils en sont rendus à avoir la trouille de réformer avec tout ce qui leur tombe dessus. Ce que Darmanin pointe en précisant que les freins psychologiques sont là ... et qui peut lui coûter une perte d’autorité dans l’équipe gouvernementale. Franchement ! Dire que Macron n’aurait rien dans la culotte ! Voyons Gérald !

 

alternatives-economiques (29/8/2018) : Hollande aidait les entreprises, Macron enrichit les entrepreneurs 

Christian Eckert

Durant le quinquennat de François Hollande, la politique de soutien à l’économie qu’il a conduite a été source d’une contestation qui s’est révélée politiquement mortifère pour lui et pour les socialistes. Le CICE, les allègements d’impôts ou de cotisations sociales mis en place après le rapport de Louis Gallois fin 2012, ont été décriés par la gauche de la gauche et ont généré les frondeurs, qui n’ont eu de cesse de parler de « cadeaux » aux patrons et aux actionnaires.

"Beaucoup considèrent, à tort, que le gouvernement d’Emmanuel Macron ne fait qu’amplifier ce que François Hollande avait amorcé"

Aujourd’hui, beaucoup considèrent, à tort, que le gouvernement d’Emmanuel Macron ne fait qu’amplifier ce que François Hollande avait amorcé.

Où sont les leviers d’action ?

Toute personne étant passée par des fonctions exécutives, qui plus est nationales, s’est un jour demandé comment l’exercice du pouvoir pouvait peser sur l’économie, de plus en plus ouverte et mondialisée. Bien sûr, la puissance publique doit agir sur l’environnement des entreprises : par exemple sur la formation (des salariés comme des dirigeants) ou sur les infrastructures (routes, réseaux, équipements publics…).

Ces leviers, évidemment essentiels, ne donnent des résultats que dans la durée, et leur efficacité ne peut être évaluée que dans un timing décalé des débats électoraux périodiques par ailleurs de plus en plus rapprochés.

"Tous les nouveaux gouvernements utilisent les leviers financiers et fiscaux en espérant des résultats rapides et tangibles"

Restent les leviers financiers et fiscaux, que tous les nouveaux gouvernements utilisent en espérant des résultats rapides et tangibles, tantôt sur la croissance, tantôt sur l’emploi, idéalement sur les deux !

Et c’est sur ce point que différent fondamentalement les politiques fiscales de François Hollande et Emmanuel Macron. En schématisant quelque peu, on pourrait résumer en disant que le premier a voulu aider les entreprises et que le second prétend aider les entrepreneurs.

Une politique équilibrée sous Hollande

Les mesures votées fin 2012 (pour plus de 40 milliards !) et mises en œuvre progressivement pour d’évidentes raisons budgétaires ont bénéficié aux entreprises. Elles avaient pour but de leur permettre de retrouver de la compétitivité et des marges pour investir. Toutes les analyses de 2016 et 2017 montrent que ces objectifs ont été atteints et ont permis plus de croissance et (un peu) moins de chômage.

"Diminuer les contributions des entreprises de 40 milliards et imposer simultanément les plus-values, dividendes et revenus des entrepreneurs constituait les deux pieds d’une politique fiscale juste"

Il est vrai aussi que pour certaines entreprises, les mesures Hollande ont surtout augmenté les bénéfices. Celles-ci ont ainsi quelques fois majoré leur distribution au profit des « entrepreneurs », ce terme désignant dans l’esprit des gens autant les créateurs, que les dirigeants ou les actionnaires.

C’est pourquoi il avait été mis en œuvre « en même temps » une disposition essentielle, trop peu et trop mal connue consistant à imposer les revenus des « entrepreneurs » au même barème que les revenus des salariés. Même écornée par la reculade consécutive à l’épisode des « Pigeons », l’idée de diminuer les contributions des entreprises de 40 milliards et d’imposer simultanément les plus-values, dividendes et revenus des entrepreneurs constituait les deux pieds d’une politique fiscale économiquement audacieuse, mais politiquement juste et équitable.

Emmanuel Macron enrichit les riches

Les dispositions prises par les dernières lois de finances votées sous l’ère Macron sont radicalement différentes et privilégient les aides aux « entrepreneurs » dans tous les sens du mot. Leurs revenus (dividendes, plus-values…) sont désormais assujettis à une « flat tax » qui les impose sur le revenu à 12,8%, hors prélèvements sociaux, taux même inférieur à celui de la première tranche du barème, celle des salariés imposables les plus modestes !

Parallèlement, les aides aux entreprises sont maintenues en volume, même si les crédits d’impôts devraient être transformés en réduction de cotisations sociales. Cela pose d’ailleurs d’autres questions sur l’avenir du financement de la sécurité sociale ou sur l’année double en perspective…

"Dividendes, plus-values... sont taxés à 12,8%, un taux inférieur à celui de la première tranche du barème, celle des salariés imposables les plus modestes !"

Le risque de voir les entreprises augmenter la distribution de leur résultat est donc évident. Les chiffres de 2018 semblent d’ailleurs le confirmer, tant pour les revenus des dirigeants que pour les dividendes proposés aux actionnaires. Qui plus est, la dénaturation de l’ISF permet maintenant d’exonérer d’impôts sur la fortune les sommes détenues en cash ou en assurance-vie (si peu investies dans l’économie). Certes, ce gouvernement aide les entreprises, mais il a levé toutes les barrières qui les conduisaient à réinvestir plus qu’à distribuer. De plus, les bénéficiaires de cette distribution n’ont plus d’incitation à réinvestir, même pas dans l’immobilier qui lui, reste dans l’assiette du remplaçant de l’ISF.

La faible croissance française du début 2018 trouve sans doute une partie de son explication dans cette politique fiscale. Il est trop tôt pour affirmer que c’est la seule. Mais les contribuables, par ailleurs sollicités, ne comprendront pas que les aides aux entreprises ne profitent in fine qu’aux différentes catégories « d’entrepreneurs ».

Une tentative de démonstration des vertus du hollandisme face aux dérives du macronisme. Moi je veux bien. Mais pour être très honnête il aurait été plus précis d'y mettre quelques données en plus : combien d'argent injecté, par année par exemple, et combien d'emplois supplémentaires d'une années sur l'autre en stock ETP (équivalent temps plein) pour l'ensemble de l'activité nationale.

Pour les chiffres que je peux voir, Macron crée moins d'emplois que prévu depuis 2018, et moins que ce qui est visible en 2017, année à mettre au bénéfice de Hollande. Les années antérieures ont été moins fastes d'ailleurs.

Mais ce qui est un peu débile c'est de constater la somme attribuée par emploi ETP supplémentaire. On parle d'une dépense collective qui se compte en centaines de milliers d'euros par emplois. Le moindre employeur qui sait comment tournent les choses peut créer des emplois avec beaucoup moins de moyens que ça. Et ce n'est visiblement pas en finançant les entreprises qu'on créé des emplois. C'est en relançant la consommation qu'on peut le faire utilement, sous réserve que ladite consommation soit génératrice d'emplois localement. On trouvera toujours qu'il est préférable de faire de le "relance économique" en travaillant sur la "demande" plutôt que sur l' "offre".

Donc et au fond, on peut pisser aussi longtemps qu'on veut dans un violon, avant que ça fasse de la musique il faut encore savoir viser les cordes.

En gros, il faut parvenir à ajouter 250.000 emplois ETP supplémentaires chaque année pour couvrir la différence du nombre de primo-entrants dans le périmètre des actifs moins le nombre des sortants (retraités). Selon les différentes études qu'on peut ressortir, seule l'année 2017 a permis de parvenir à cet équilibre. Et l'ensemble des emplois ETP créés de 2012 à 2017 ne donne pas du tout une vision d'excellence.

Pour 2018 on n'arrivera pas à un solde positif. Et ça fait quand même pas mal d'années que c'est comme ça dans les grandes moyennes. Malgré l'injection de dizaines de milliards d'euros dans les caisses des entreprises, dont les dividendes apparaissent eux ... en très bonne santé.

Il faudrait peut-être proposer la prise en charge des arrêts de maladie pour les dividendes, par les employeurs, parce qu'avec les humains on s'en sort mal. En tout cas En Marche, ça marche pas mieux qu’avant qui marchait déjà pas très bien. Hollande aidait les entreprises, c’est un peu ce qu’on lui garde comme reproche principal, vu qu’on a pas tellement vu les renvois d’ascenseur.


Le Parisien (2/9/2018) : Colère palestinienne et incompréhension mondiale après l’arrêt des aides américaines aux réfugiés

Saeb Erekat, le secrétaire général de l’OLP a officiellement
fait part de son courroux après la décision américaine
de couper les fonds aux réfugiés palestiniens.
AFP/AHMAD GHARABLI
Cette décision unilatérale est dénoncée par des acteurs du Moyen-Orient comme pouvant avoir de « dangereuses conséquences » pour les Etats-Unis.

Les raisons de la colère… Les Palestiniens ont exprimé samedi courroux et désarroi après la décision américaine d’abandonner tout financement de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (UNRWA), dont l’aide à des millions de personnes se retrouve en péril.

Vendredi, les Etats-Unis, qui étaient de loin les plus grands contributeurs, ont annoncé qu’ils cessaient leur financement à l’UNRWA, aux activités qualifiées d' « irrémédiablement biaisées » par le département d’Etat. Un nouveau désistement lourd de sens.

Les relations sont au plus bas entre l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et l’administration de Donald Trump accusée d’afficher un parti pris outrancièrement pro-israélien après sa décision, rompant le consensus international, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Les dirigeants palestiniens ont ensuite interrompu tout contact avec Washington, lui déniant tout rôle dans le processus de paix avec Israël suspendu depuis 2014. En réponse, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé en janvier qu’il conditionnait le versement de l’aide aux Palestiniens à leur retour à la table des négociations.

Et son administration est progressivement passée à l’acte en coupant au fur et à mesure le robinet à dollars. D’abord en ne versant que 60 millions de dollars (51,6 millions d’euros) à l’UNRWA, contre 350 millions (301 millions d’euros) en 2017. Ensuite, en annonçant l’annulation de plus de 200 millions de dollars d’aide bilatérale aux Palestiniens – soit la quasi-totalité de l’assistance américaine hors coopération en matière de sécurité.

L’annonce de vendredi aggrave davantage la crise

Pour une responsable de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Hanane Achraoui, la dernière décision américaine est à la fois « cruelle et irresponsable ». « Les réfugiés palestiniens sont déjà des victimes qui ont perdu leurs maisons, leurs moyens de subsistance et leur sécurité du fait de la création » d’Israël, a-t-elle dit dans un communiqué. « Une fois encore, ils sont la cible de l’administration américaine qui soutient Israël et ses dizaines d’années d’occupation ».

Pour l’ex-négociateur en chef palestinien Saëb Erakat, la décision américaine invalide des négociations futures en « préjugeant » des questions censées être examinées. La question des réfugiés palestiniens, et leur droit au retour, étant une des conditions dans la perspective de nouvelles négociations territoriales entre Israël et les Palestiniens.

Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina a déclaré que Mahmoud Abbas envisageait de contester cette décision à l’ONU, sans autre précision. En revanche, Israël a salué cette décision, accusant l’UNRWA de « perpétuer le conflit » en entretenant l’idée - à laquelle il s’oppose - que de nombreux Palestiniens sont des réfugiés dotés du droit au retour sur les terres qu’ils ont fuies ou dont ils ont été chassés à la création de l’Etat d’Israël en 1948.

Des fermetures d’écoles

L’UNRWA n’aide pas moins de trois millions de Palestiniens sur les cinq millions enregistrés comme réfugiés, notamment à travers ses écoles et ses centres de santé, dans les territoires palestiniens mais aussi au Liban, en Jordanie et en Syrie. Craignant un manque de fonds, l’agence avait un temps évoqué devoir fermer de façon permanente les plus de 700 écoles qu’elle gère, après des fermetures temporaires.

Mahmoud Moubarak, directeur des comités populaires en charge des 19 camps de réfugiés en Cisjordanie occupée, accueillant environ 500 000 Palestiniens, a mis en garde contre des « répercussions très graves ».

Dans la bande de Gaza, enclave surpeuplée sous blocus israélien où la plupart des enfants fréquentent les écoles de l’UNRWA, plusieurs Palestiniens ont exprimé leurs craintes. « S’ils arrêtent complètement leur aide, cela aura un impact majeur sur nos enfants », a déploré Abou Mohammed Houweila, 40 ans, du camp de Jabaliya.

Pour ce père de neuf enfants ayant obtenu leurs diplômes dans des écoles de l’UNRWA ou encore scolarisés, « les gens n’ont pas les moyens d’acheter des sacs d’école et des livres ».



La Jordanie s’inquiète

Pour un autre habitant de Gaza, Hicham Saqallah, 55 ans, cette décision pourrait mener à des violences. « Arrêter l’aide aux écoles signifie détruire l’avenir d’un grand nombre d’élèves et les jeter à la rue », a-t-il dit en fustigeant un « chantage politique ». « Priver les réfugiés des services de l’UNRWA va aggraver les sentiments de désespoir et exacerber les tensions », a dit de son côté le chef de la diplomatie jordanienne Aymane Safadi, en mettant en garde contre un « véritable danger ».

Et l’Union européenne a appelé Washington à reconsidérer sa « décision regrettable ». Pour le porte-parole de l’UNRWA, Chris Gunness, « les gens vont devenir plus désespérés et marginalisés ». Il a mis en garde contre des « conséquences dramatiques et imprévisibles » après avoir averti mercredi que l’agence « n’aura plus un sou » d’ici fin septembre.

Une quête de fonds

Quelques initiatives ont émergé pour tenter de pallier le retrait américain. Berlin a annoncé une hausse « substantielle » de la contribution allemande à l’UNRWA et appelé ses partenaires européens à en faire autant.


La Jordanie a, elle, annoncé une conférence le 27 septembre à New York pour soutenir l’agence qui a besoin d’au moins 200 millions de dollars (170 millions d'euros) d’ici la fin de l’année. Logique quand on sait que 2 097 338 réfugiés palestiniens sont enregistrés auprès de l’UNRWA sur le territoire jordanien, sur une population totale d’à peine plus de 10 millions d’habitants…

L'attitude de Trump, par petites touches imbéciles ou énormes imprudences, est sans doute la chose la plus marquante de l'actualité du Monde. Diviser, écornifler, sagouiller pour mieux régner, de concert avec Poutine, pour rester maître du jeu alors qu'on en a pas les capacités mentales. Et surtout s'appliquer soigneusement à mettre le bordel le plus loin possible de chez soi pour soigner l'orgueil de pouvoir dire que c'est bien meilleur là où on s'essuie les pieds.

Peuples du Monde unissez-vous contre les empêcheurs de vivre en paix. Et si on pouvait mieux fraterniser entre gens simples pour avoir la force de mettre tous ces cons qui prétendent bien diriger nos vies entre quatre murs bien solides, qu'est ce qu'on serait heureux.


Tranparency International EU (10/07/2018) : Moonlighting in Brussels: side jobs and ethics concerns in the European Parliament

Ces députés européens si affairés !

Moonlighting : have a second job, typically secretly and at night, in addition to one's regular employment.

La traduction du terme "moonlighting" est en principe celle qu'on peut faire en parlant de "travail au noir". Ce qui ici n'est pas précisément le cas. Il s'agit d'un "second job" qui vaut pour certains son pesant de cacahuètes.

On parle dans cette publication de personnes qui ont une activité officielle, très officielle même, mais qui partagent toutes d'être députés européens à plein temps.

La publication est en anglais, ce qui ne sera pas pratique pour tout le monde, mais il est assez facile d'y trouver les informations les plus joyeuses sur un certain nombre de nos camarades députés de tous bords et de tous pays.

En principe le lien suivant devrait vous permettre de lire une traduction automatique en français de qualité moyenne mais suffisante.

Les MEPs sont les membres du parlement européen.

Pour info la liste des groupes parlementaires du collège de Bruxelles sont (à jour en principe), avec les sigles variés anglophones et francophones entre parenthèses. J'ai ajouté les effectifs à jour et quelques précisions sur les contenus des groupes qui sont le plus souvent des regroupements de partis nationaux :


PPE (EPP) 219 députés : Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens)


  • Parti populaire européen (PPE)
  • 1 parti national non affilié
  • 4 indépendants
S&D 189 députés : Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen


  • Parti socialiste européen (PSE)
  • 3 partis nationaux non affiliés
ECR (CRE) 73 députés :  Groupe des Conservateurs et Réformistes européens
  • Alliance des conservateurs et réformistes européens (ACRE)
  • Mouvement politique chrétien européen (MPCE)
  • parti national non affilié
  • 2 indépendants 
ALDE (ADLE) 68 députés : Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe
  • Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe (ALDE)
  • Parti démocrate européen (PDE)
  • 5 indépendants
Verts/ALE 52 députés : Groupe des Verts/Alliance libre européenne


  • Parti vert européen (PVL)
  • Alliance libre européenne (ALE)
  • 3 partis nationaux non affiliés
  • 2 indépendants
GUE/NGL 51 : Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique

  • Parti de la gauche européenne (PGE) 
  • Alliance de la Gauche verte nordique (NGL)
  • 10 partis nationaux non affiliés
EFDD (ELDD) 43 députés : Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe

  • Alliance pour la démocratie directe en Europe (ADDE)
  • 1 partis nationaux non affiliés
  • 1 indépendants
ENF (ENL) 35députés : Groupe Europe des Nations et des Libertés

  • Mouvement pour l'Europe des nations et des libertés (MENL)
  • Alliance européenne pour la liberté (AEL)
  • 2 partis non affiliés
  • 3 indépendants
NI 21 Non-inscrit
  • Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN)
  • Alliance pour la paix et la liberté (APF)
  • 3 partis nationaux non affiliés
  • 4 indépendants

La publication de Tranparency met en évidence le fait que nombre de députés ont des activités qui leur permettent d'avoir des revenus accessoires, sauf qu'ils ne sont pas accessoires du tout pour une partie d'entre eux, et qu'ils proviennent même dans certains cas d'entreprises ou organisation qui ne sont pas toujours en accord avec l'indépendance souhaitable des représentants dans le cadre du parlement.

Cela ne signifie pas que ces parlementaires sont plus ou moins disponibles pour leur activité parlementaire, il faut apprécier la chose avec d'autres éléments pour constater la présence, la constance des uns et des autres dans les débats et les travaux de l'Assemblée. Par contre on constate que certains députés ont des revenus très supérieurs dans des activités privées, ou personnelles, ce qui interroge sur la qualité de leurs interventions en tant que parlementaires.

Transparency souligne le risque d'une activité parlementaire dégradée ou subjective de ce fait.

Des détails sur la composition du Parlement sur Wikipedia et sur le site des MEPs

 

George Steinmetz : A voir sans faute avant d'envoyer un mot à l'exécutif sur la transition écologique qui n'avance pas.




"In August 2018 the New York Times Magazine published a special issue exploring how humanity came to understand the causes of climate change and failed to act. They assigned George to take aerial photographs on every continent over the course of one year to document how we can see the effects of that inaction today. After over a hundred days of field work in Greenland, Bangladesh, Switzerland, Mauritania, China, Brazil, Australia, and Antarctica, he created an extraordinary document of our challenged planet. The journey involved five helicopters, three crashed drones, one hurricane, and a sailboat ride across some of the wildest seas on earth. This visionary project was only made possible by extraordinary commitment from the NYTM and the Pulitzer Center on Crisis Reporting."


Je vous propose une traduction en français


En août 2018, le New York Times Magazine a publié un numéro spécial montrant comment l’humanité a compris les causes du changement climatique et n’a pas agi. Ils ont demandé à George de prendre des photographies aériennes sur tous les continents, pendant une année, afin de montrer comment nous pouvons voir les effets de cette inaction aujourd’hui. Après plus de cent jours de travail sur le terrain au Groenland, au Bangladesh, en Suisse, en Mauritanie, en Chine, au Brésil, en Australie et en Antarctique, il a créé un reportage extraordinaire sur notre planète en difficulté. Le voyage a mobilisé cinq hélicoptères, trois drones crashés, un ouragan et une promenade en voilier sur certaines des mers les plus sauvages de la planète. Ce projet visionnaire n’a pu être rendu possible que grâce à l’engagement extraordinaire du NYTM et du Pulitzer Center on Crisis Reporting.


Il y a des images choc. Tout est choquant quand on observe l'état des choses. L'urgence c'était avant, maintenant il n'est plus l'heure de tergiverser pour mettre le cap sur l'avenir, sauf à vouloir couler le navire.

Il n'est plus envisageable d'accepter de la part des dirigeants politiques qu'ils n'aillent pas immédiatement et toutes affaires cessantes dans la bonne direction.

Le 8 septembre, il y a la marche pour le climat. Suivez l'actualité, la mobilisation est lancée pour Paris, mais des appels sont en cours pour plusieurs grandes villes en France. Vous trouverez facilement toutes les nouvelles sur le sujet. Et il y aura aussi des mobilisations importantes à venir pour tous les sujets qui nous préoccupent dans les semaines qui viennent.

samedi 19 mai 2018

Je ne suis pas Candide. Lettre à Donald J. Trump

Je m’adresse à toi car je suis bouleversé,  chamboulé, indigné !

Cher Donald Trump, très cher, très onéreux Président des Etats-Unis d'Amérique, cher être humain,

© Chantal Torrécillos - Blessure
© Chantal Torrécillos - Blessure
L'actualité est parfois étonnante de la morgue avec laquelle elle nous retourne des calottes, semant le doute sur les certitudes qui semblent tenir lieu d'esprit aux personnes les plus largement admises à détenir les pouvoirs qui conduisent l'humanité vers son but.

Etonnante, parce que d'esprit on convient parfois qu'il n'y en a pas beaucoup qui imprègne ces certitudes.

Moi, par exemple, j'avais la certitude en t'entendant, cher camarade, devant la convention de la NRA, ce début mai à Dallas, que tu étais dans de mauvaises certitudes en soutenant qu'il était bien plus heureux de savoir que chaque américain puisse être armé pour se défendre, et l'esprit qui t'animait était sans doute très pauvre de bon sens.

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© Stéphanie Guët - Orage IV
Surtout que j'ai bien entendu comme tu utilisais dans ton argumentation les faits relatifs aux attentats, si lourds de victimes et de malheurs, qui avaient touché la France, Paris, et dont tu présupposais que si les français avaient eu le droit d'être armés, ces évènements auraient été moins mortels.

De proche en proche, on a pu constater que le pays qui t'a confié sa destinée est touché par des attentats répétés, perpétrés par des personnes dont le caractère criminel est lié certainement plus à leur pathologie psychiatrique d'une part, et à la facilité de disposer d'armes et de les utiliser d'autre part, et encore pas plus tard qu'hier, il y a eu de nouveau des morts. C'est d'une tristesse consternante.

Le peuple américain, principalement les plus jeunes américains touchés récemment par le fait que des meurtres en série ont eu lieu dans des établissements d'enseignement, a manifesté largement, pour exiger quelques ajustements dans les pratiques collectives des Etats-Unis.

Tu ne veux pas entendre, et tu préfères obtenir les battements de mains des sympahisants et adhérents de la NRA ... et ... paf ... encore des morts.

La calotte. Parfois, souvent, le destin nous poursuit.

Le temps nous apprend toujours quelque chose. Et comme le temps s'écoule toujours dans le même sens, on ne peut pas revenir en arrière. Les morts sont bien définitivement des vies perdues. Les blessés des vies gâchées.

C'est un peu délicat de mettre en relief dix morts et autant de blessés, selon les informations du moment, sur les évènements de Santa Fe. D'autant qu'il s'agit d'êtres humains qui ont une histoire, des êtres chers qui vont verser des larmes, un parcours qui les conduisait peut-être vers de grandes destinées. Sait-on jamais quand une vie se perd ce qu'elle aurait pu apporter de richesses ?

Le temps nous enseigne aussi que nous disparaîtrons toutes et tous un jour, finissant nos vies respectives dans des urnes ou des boîtes, dispersés, ou enfouis dans le sol d'une terre plus ou moins hospitalière.

Pour des raisons diverses et variées, notre vie nous sera reprise, tôt ou tard. La mienne, un jour ou l'autre, pas si lointain. La tienne aussi.

Il y a des choses qui peuvent arriver au fil du temps et contre lesquelles nous ne pouvons rien.

Il y en a d'autres que l'on peut envisager avec une certaine logique simple. Et quand on refuse les logiques les plus simples qui conduisent à éviter des drames, on peut se demander si l'esprit et la raison ne se sont pas échappés de nos pensées.

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© Stéphanie Guët - Patatra
Le drame de Sante Fe est à la fois lourd, important, et il peut aussi paraître insignifiant au regard d'autres drames nombreux pour lesquels les uns ou les autres nous pouvons avoir notre part de responsabilité. Je suis par exemple pour partie descendant des hébreux, et je voyais ces jours-ci une foule de gens courir pour échapper à des murs de feu artificiellement déversés par des soldats qui riaient. Ca me touche. Et c'est très grave.

Chaque personne peut dans sa vie peser plus ou moins sur le cours des choses. Je ne suis l'un dans l'autre pas grand chose pour ce qui me concerne, je n'ai en tout cas aucune prétention à disposer de pouvoirs qui encadrent la vie des gens, c'est un choix personnel qui m'anime dans ce sens. Ne pas risquer de créer, de provoquer le malheur des autres est un choix que j'ai fait, qui me pousse très modestement à tenter de ne contribuer qu'à ce qui peut faire un petit peu de bonheur autour de moi.

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© Stéphanie Guët - Orage (IV)
J'en viens avec le temps, qui passe, toujours ce temps, à la conclusion que tenter de faire un peu de bonheur nous enferme aussi dans une très grande modestie. C'est ainsi et je m'en satisfais assez bien.

Le Président de mon pays, que tu recevais récemment plus que les bras ouverts, considère des personnes comme moi pour des "riens" dans sa maladroite prestance à s'adresser aux gens.

Ca doit être un style, une posture de considérer d'un côté des gens animés par des desseins modestes, et de l'autre des grands dirigeants politiques dont l'esprit et la raison s'échappent un peu. Au point de faire des choix qui consistent à convoquer les uns pour taper sur les autres, à donner les moyens à certains d'en tuer ou d'en blesser d'autres, et de s'endormir paisiblement rassuré par l'idée d'un travail bien fait.

Or ce n'est pas le cas. Tout ce que je vois est un travail parfaitement salopé, honteusement bousillé, et par je ne sais quel miracle particulier personne n'ose te dire que tu bosses comme un gougnafier.

Aujourd'hui je pensais juste rendre hommage aux victimes de Santa Fe, et rendre justice à la mémoire des gens qui meurent pour rien, ou plutôt si, des morts et des blessés que portent en responsabilité morale, au moins, des gens comme toi. On ne peut pas quand même se satisfaire de sourires béats au vu de l'actualité. Il faut dire les choses pour être utile au moins à la postérité.

La grandeur d'une personne se mesure de différentes manières, et sa petitesse tout autant. On peut le faire en centimètres ou en actions bonnes ou mauvaises tout aussi bien. J'espère voir de grands hommes un jour aider le plus grand nombre à vivre mieux. Aujourd'hui nulle part je ne vois cela.

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© Stéphanie Guët - whisper III
I will finish by telling you I have written this text using the language best corresponding to my feelings, in accordance with the Age of Enlightenment of the French culture which usually supports humanism, tolerance, openness and the will to share with many people around the world. And I will also wish you all the best and say « God bless you and America »







Avec l'aimable autorisation de Stéphanie Guët et Chantal Torrécillos pour l'iconographie

vendredi 11 mai 2018

Qui l'a dit Mac bête

Divines rimes et noisettes

L'énorme verge tendue par le calendrier et la plume servile du bistouquet font saillir les vers et gicler les pieds.Aujourd'hui 10 mai, il y a des sujets de calendrier plus solides et sérieux, rappelant 1968, 1981, la lutte contre l'esclavagisme ... mais bon. Recueillons-nous, mes biens chers camarades, dans un instant de poésie.

Clément pour le bon peuple de ces gens affamés
Et d'affables attablés qui rien ne veulent nier,
Ce n'est pas une mode, c'est une culture nouvelle
Portée de droit divin, insufflée par le ciel.

Il est grand, qu'il est beau, il change le vin en eau
Que ruisselle sur les riens hallebardes, oripeaux.
Nul pair ne fut jamais si perfusé d'ego
Qu'il se crut obligé d'offrir tant d'ex-voto.

Faut-il être si crédule ou péter une bielle,
Ou bien être tombé dans un seau d'hydromel.
Dieu guérit quand d'un doigt touche le roitelet
La rumeur dit qu'il fait les écureuils bander

 

Les écureuils risquent d'en voir leurs noisettes finir en pommade !
Manu t'es là ?


François Weil, poète parfois mais pas trop fort pour éviter les thraces et les éoliens.



Les Fioretti de Saint  Manu des Cordées !

Or il advint qu’en ces temps reculés où le vilain peuple menaçait de toutes les horreurs, les gentils riches qui faisaient ruisseler un peu de monnaie sur des pauvres ingrats et cruels, vint au pouvoir par un certain prodige, un prophète-magicien ! L’élection de ce  saint homme fut en elle-même un miracle puisque ceux qui le portèrent au plus haut sommet faisaient l’objet de son plus froid dédain ! Ce fut là son premier miracle !

Après avoir conseillé le monarque précédent, François le Gentil (qui ne le fut pas trop pour le peuple), Manu du Touquet, comme on l’appelait à l’époque, avait mûri le projet avec quelques amis banquiers et publicitaires fortunés, de renverser François par la seule force de son…verbe ! Et ça, de la tchatche…il en avait !

Il ne fut pas long à rassembler une troupe improbable de croyants aveuglés par son génie et s’en alla parcourir routes et chemins et, en marche, professer ses sentences qui vibrent encore dans un ciel d’airain :
  • Avec moi, ce qui va mal aujourd’hui ira mieux demain !
  • C’est important d’aimer les gens !
  • Les riches sont gentils et bienveillants, c’est pour ça que Dieu les a faits riches ! Ils sont parfois malheureux car ils ont beaucoup d’argent, ce qui provoque chez eux, la peur d’en perdre. Il est donc plus raisonnable que les pauvres, qui eux sont habitués à ne pas en avoir, leur donnent le peu qu’ils ont…par gentillesse et bienveillance. 
  • Pourquoi laisser gérer par des entreprises publiques,  le service public qui risque de profiter à tout le monde ? Alors qu’on pourrait le confier à des entreprises privées, qui de surcroît appartiennent à mes amis les riches et pourraient de ce fait  leur profiter plutôt à eux ? N’est-il pas normal d’aider ses amis ?
  • Les pauvres, ceux qui ne sont rien, sont de nature insouciante…en effet, ils n’ont pas peur de perdre quoi que ce soit…ils n’ont rien ! Donnons leur l’espoir…ça ne coûte rien au pays !
  • Vous êtes comme les champs prêts pour la moisson…j’enverrai mes premiers de cordée vous récolter inlassablement et vous aurez ainsi le merveilleux sentiment d’appartenir à une Histoire…la mienne !
Ces propos eurent un merveilleux effet sur les poires bonnes et prêtes pour la cueillette ! Et comme nous étions en des temps de grande crainte, avec un peuple divisé et notamment la  frange (ou la fange) des plus violents, prête à étriper tous ceux qui ne feraient pas correctement le salut nazi… grâce à la sainte peur, ce ne fut pas le temps des cerises, ce fut le temps des bonnes poires et Manu du Touquet devint roi !

Il  ne voulut jamais reconnaître que tout compte fait, il n’était vraiment soutenu que par moins de 20 pour cent des habitants du pays ! Il s’empara de la couronne, du trône et fit asseoir à ses côtés sa préceptrice, celle qui lui avait tout appris (mais vraiment tout) depuis son plus jeune âge, notamment, l’art de la comédie !

C’est ensuite que les grands miracles commencèrent !
  • On lui attribue la multiplication et la distribution des pains à notre Dame des Landes et dans les universités !
  • Un soir où il rentrait chez lui après une discussion avec des amis, Jean Louis Borloo dit l’avoir vu marcher sur l’eau ! (quelle ironie du sort)
  • Quand les manifestants du 1er mai lui demandèrent de venir les rencontrer, il leur dit d’aller voir là bas s’il y était…et il y était…en Australie ! (là où la femme du premier ministre est « delicious »… mais un peu jeune à son goût)
  • On prétend qu’il avait le pouvoir du caméléon : il allait voir des aviateurs, il se retrouvait transformé en aviateur (uniforme et tout) il allait voir des militaires…ça faisait pareil et il allait voir les évêques de France… il se retrouvait à prêcher l’engagement politique des catholiques !
  • Il a transformé les allocations logement des étudiants en suppression de l’impôt sur la fortune… c’est pas un miracle ça ?
  • Il arriva même à piquer du fric aux retraités après leur avoir promis qu’ils vivraient mieux grâce à lui…autre prodige !
  • Lorsqu’il annonça au sujet de la Syrie, que ses collègues, américain et russe, se ralliaient à son point de vue… hop un coup de baguette magique et… Trump et Poutine prétendirent tout le contraire ! ça c’est fantastique !
  • Lorsqu’il alla voir, Trump, autre grand prêcheur de l’amour des pauvres et ami à lui, il réussit à transformer la diplomatie française par trois fois sur l’Accord Nucléaire Iranien : 1 - on ne lâche pas l’accord existant…2 - on laisse tomber et on cherche un nouvel accord avec l’aide de Donald (c’est là que Mickey nous manque)…puis finalement non, 3 - on garde l’accord actuel avec Angela et Theresa …le tout en 24 heures ! Le Christ lui-même n’aurait pas pu le faire ! Lui, il aurait préféré sortir le fouet et virer les marchands du temple ! … Aucun sens du commerce !
  • Enfin, sur la SNCF, le président s’apprête à faire des étincelles : il va rentabiliser le rail en  donnant l’outil industriel à des privés, en mécontentant les cheminots qui mettront donc plus de cœur à l’ouvrage après s’être fait traiter de fainéants surpayés et enfin, en supprimant les trains… De plus il réduira la pollution en multipliant le transport par autocars ! Hein… il en fait des choses avec ses petits bras musclés celui que désormais, on appelle Saint Manu des Cordées !
  • On raconte qu’il va réussir à faire disparaître la dette de la SNCF, à laquelle certains de ses ministres ont d’ailleurs contribué…et la transformer en… LAPIN ! Celui qu’il a posé à tous ses électeurs ! Là par contre, c’est pas un miracle, c’est de la prestidigitation !
Bien sûr, nous ne tarderons pas à vous ouvrir à la révélation des miracles futurs du saint homme !

Yves Hernandez, historien à la cour.





CHANT LITURGIQUE

Couplet 1

L
e bienheureux élu et son peuple marcheur
Sont arrivés un jour au paradis terrestre
Il trône maintenant au siège élyséen
ses disciples sont assis sur des fauteuils en or

Refrain (en chœur)

Ô
gloire encore à toi, le Manu des cordées
Celui qui vole aux pauvres pour donner au riches
Gloire éternelle à toi le Bistouquet sacré,
Qui marche sur les os  des services publics

Couplet 2

L
e bienheureux élu pour pas qu'ils aient trop chaud
Arrose les marcheurs par ses voies naturelles
Et dépose sur la tête se ses parlementaires
Des chapeaux étroniques qui les laissent sans voix

Au refrain (en chœur)

Ô
gloire encore à toi, le Manu des cordées
Celui qui vole aux pauvres pour donner au riches
Gloire éternelle à toi le Bistouquet sacré,
Qui marche sur les os  des services publics

Couplet 3

E
t du peuple ébahi il fit fi des suppliques
Car lui seul savait comment sauver le monde
Et de Trump et Poutine il se fit des amis
Imposant ses idées pour une paix éternelle

Au refrain (en chœur)

Ô
gloire encore à toi, le Manu des cordées
Celui qui vole aux pauvres pour donner au riches
Gloire éternelle à toi le Bistouquet sacré,
Qui marche sur les os  des services publics

Couplet 4

L
orsque Satan gréviste se montra dans les rues
D'un revers de la main passée au feu de Trump
Il envoya bouler ces riens qui protestaient
Insensible aux douleurs qui lui venait du peuple

Au refrain (en chœur)

Ô
gloire encore à toi, le Manu des cordées
Celui qui vole aux pauvres pour donner au riches
Gloire éternelle à toi le Bistouquet sacré,
Qui marche sur les os  des services publics

Couplet 5


Car c'est là son mérite et éternelle gloire
De se foutre du monde et de ses contingences
d'écraser les petits si c'est pour son royaume
Celui des milliardaires et de leur saint Medef.

Au refrain (en chœur)
 

Ô gloire encore à toi, le Manu des cordées
Celui qui vole aux pauvres pour donner au riches
Gloire éternelle à toi le Bistouquet sacré,
Qui marche sur les os  des services publics (bis)


François Marandet : Archi-grand duc des tournées

lundi 7 mai 2018

Discours de Pierre Mendès France sur l'Europe, janvier 1957

Pour Epicure, j'y reviendrai plus tard, un autre jour. Là c'est piqûre de rappel, avec ce discours de Pierre Mendès France, le 18 janvier 1957 à l'Assemblée, discours prononcé quelques temps avant la signature du traité de Rome.

Comme il y a des petits camarades qui planchent sur l'Europe ... ne ratez pas cette modernité de vue qui date de plus de soixante ans .. quand même ? ;)

“ Mesdames, messieurs, cet important débat porte sur deux séries de questions. Il y a d’abord un problème d’orientation générale — on pourrait dire un problème de politique générale — et puis se posent des problèmes d’exécution, qui sont plutôt de nature technique.
Sur le problème général, sur le problème proprement politique, je ne m’attarderai pas. J’ai toujours été partisan d’une construction organique de l’Europe. Je crois, comme beaucoup d’hommes dans cette Assemblée, que nos vieux pays européens sont devenus trop petits, trop étroits pour que puissent s’y développer les grandes activités du XXe siècle, pour que le progrès économique puisse y avancer à la vitesse qui nous est devenue nécessaire.

Un marché vaste est un élément de large circulation des progrès techniques et des échanges, et également un élément essentiel pour l’organisation et la consolidation de la paix entre les États européens, ce qui est tout aussi important.

Mais ce marché, nous devons l’aménager de telle sorte que nous puissions y obtenir les meilleurs résultats possibles, sans tomber dans un étroit égoïsme national, spécialement pour notre pays.
Un ancien président du Conseil a dit que nous devions « faire l’Europe sans défaire la France ». Ce résultat est-il obtenu dans les projets, tels, du moins, qu’ils sont connus de nous ? C’est ce que je voudrais rechercher.

Ces projets comportent essentiellement la suppression, pour les échanges entre les six pays participants, de tout droit de douane et de tout contingentement. Ce résultat sera obtenu progressivement au cours d’une période transitoire de douze à seize ans.

Au cours de chaque étape intermédiaire, les droits de douane seront réduits d’un tiers environ de leur montant initial, les contingents seront portés au double environ de ce qu’ils étaient au début de l’étape.

Les six pays appliqueront, vis-à-vis des pays extérieurs à la communauté, un tarif douanier commun. Le passage du tarif initial de chaque pays à ce tarif commun se fera progressivement au cours de la période transitoire.

Le Marché commun aura donc des effets très sensibles dès le début, dès la première étape. Ces effets porteront sur les trois aspects du Marché commun, lequel comporte, même assorti de restrictions temporaires, la libre circulation des personnes, la libre circulation des marchandises et la libre circulation des capitaux. C’est de ce triple point de vue que je vais me placer maintenant, en commençant par la libre circulation des personnes.

Bien qu’il soit expressément mentionné et annoncé, il semble que ce problème n’a été envisagé que très superficiellement dans les textes, au point de la discussion où ils sont parvenus, et M. le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, dans le brillant discours que nous avons tous applaudi avant-hier, a été sur ce point — qu’il me permette de le lui dire — très imprécis. Aussi des questions doivent être posées à ce sujet, des garanties doivent être obtenues.

En effet, si le mouvement des capitaux et des biens peut à première vue ne pas paraître toucher aux concepts de Nation et de Patrie, il n’en est pas de même pour les migrations de populations. Il n’est pas indifférent pour l’avenir de la France ni que, pendant une période, les Italiens affluent en France, ni que, simultanément ou pendant une autre période, les Français du Languedoc, de l’Auvergne ou de la Bretagne soient conduits à chercher de meilleures conditions de travail dans une Allemagne qui, en cours de développement rapide, offrirait des emplois à des travailleurs menacés par le chômage.

Or, ces perspectives ne constituent pas une vue de l’esprit. Si les Italiens se montrent si attachés à la notion du marché commun, s’ils sont impatients d’aboutir à une conclusion concrète, c’est bien — et ils ne s’en cachent pas — pour permettre l’émigration de leurs chômeurs.
Dans une certaine conjoncture, lorsque nous manquons de main-d’œuvre, c’est tant mieux pour nous si nous pouvons en trouver dans un pays voisin. Mais dans d’autres cas, lorsque nous sommes menacés par le chômage ou lorsqu’il s’en produit dans notre pays, l’afflux de chômeurs venus du dehors et susceptibles, souvent, d’accepter des salaires sensiblement inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans notre pays est évidemment de nature à provoquer des contrecoups et des difficultés que nous avons intérêt à éviter.

Quant à l’Allemagne, n’oublions pas sa puissance d’expansion, ses ressources, son dynamisme. Dans le cas d’une crise économique, dont, par sa structure industrielle, l’Allemagne souffrira plus tôt et plus fortement que nous, il se produira une baisse des salaires allemands, un dumping de l’industrie allemande contre la nôtre et un mouvement des chômeurs allemands, plus mobiles par tradition que les nôtres, vers la France pour y chercher du travail.

Jusqu’à présent, nous faisions face aux grandes crises économiques internationales mieux que d’autres pays, mieux que les pays plus industrialisés, comme l’Allemagne ou la Belgique, en raison de la structure mieux équilibrée de notre propre économie.

À la première récession économique, un pays comme l’Allemagne de l’Ouest, qui vient d’absorber en quelques années plusieurs millions d’immigrés encore mal digérés, disposera d’un volume de chômeurs considérable et exportable.

De ce fait, nous perdrons cet élément de stabilité relative dont nous jouissions jusque-là et qui nous avait permis, soit entre 1929 et 1932, soit en 1948-1949, de souffrir moins que les autres pays occidentaux.
Mais en période de conjoncture favorable, nous aurons aussi à subir dans le Marché commun une concurrence redoutable, concurrence qui pourra être salutaire à long terme si les aménagements nécessaires sont prévus — c’est le but même du traité — et qui pourra néanmoins être très douloureuse et néfaste même à long terme si les précautions appropriées ne sont pas prises et garanties.

Certaines de nos industries, tout au moins, ne pourront pas s’adapter ou s’adapteront mal. Il en résultera du chômage dans divers secteurs de nos régions sous-développées, notamment celles du sud de la Loire qui ont beaucoup à craindre de la rivalité commerciale et industrielle qui va se déclencher à l’intérieur du marché unifié et dont les populations peuvent être poussées à émigrer, à moins de consentir sur place à un niveau de vie très bas pour ne pas s’expatrier.
Je voudrais faire observer que le problème de la contagion des effets économiques n’est pas théorique et qu’il a donné lieu dans le passé à des expériences qui doivent nous faire réfléchir.

Après l’unité italienne, l’Italie du Sud a souffert beaucoup du contact et de la concurrence de la région du Centre et du Nord. Contrairement à ce que nous croyons trop souvent, l’Italie du Sud avait atteint, avant l’unité italienne, un degré d’industrialisation et de développement comparable et probablement même supérieur à celui du reste du pays. L’unité lui a porté un coup qui s’est traduit par une large émigration à l’intérieur de l’Italie unifiée et aussi vers l’extérieur, un coup que même les gens du Nord reconnaissent et auquel ils essayent maintenant de remédier. Pour obtenir le développement de la Sicile et de l’Italie du Sud, le gouvernement de Rome recrée précisément, depuis quelques années, un régime distinct qui supprime ou qui atténue le caractère absolu de l’intégration réalisée voici un siècle.

La situation est comparable dans d’autres pays.

Les États méridionaux des États-Unis se sont toujours plaints et se plaignent aujourd’hui encore d’avoir été défavorisés économiquement du fait de leur rattachement aux États du Nord.

En Allemagne même, qui a fait l’expérience d’un Zollverein, véritable précédent du Marché commun, bien que la Prusse, initiatrice et agent moteur de l’intégration, ait consenti de larges investissements en faveur des régions allemandes moins favorisées, les Wurtembergeois, les Bavarois ont dû émigrer en grand nombre vers les Amériques.
Au surplus, si, à l’échelle d’un siècle et en ne considérant que l’ensemble de l’économie allemande, le Sud et le Nord confondus, si le Zollverein a été un élément d’expansion, n’oublions pas qu’il a pu porter ses fruits parce qu’un État dominateur, principal bénéficiaire de la réforme, a fait la loi aux autres États dominés. En ce sens, c’est un précédent qui ne comporte pas que des aspects plaisants.

Le traité doit donc nous donner des garanties contre les risques qui se sont ainsi matérialisés en Allemagne, aux États-Unis, en Italie, ailleurs encore. Parmi ces garanties figurent le droit, que nous devons conserver, de limiter l’immigration en France, surtout lorsque la conjoncture économique le rendra nécessaire, et des sauvegardes contre le risque d’un chômage et d’un abaissement du niveau de vie importés du dehors. Je reviendrai tout à l’heure sur certaines modalités de ces indispensables garanties, mais pour cela il me faut, après avoir examiné les problèmes touchant à la circulation des personnes, en venir à ceux qui concernent la circulation des marchandises. Ici nous sommes au centre même du débat.

En cas de marché commun sans barrières douanières ou contingents, ou bien avec des barrières et des contingents rapidement réduits puis éliminés, les marchandises dont les prix de revient sont les plus bas se vendent par priorité et dans tous les pays participants. Ces prix de revient sont fonction des charges qui pèsent sur la production. Or, la France connaît de lourds handicaps dans la compétition internationale. Elle supporte des charges que les autres n’ont pas, tout au moins au même degré : charges militaires, charges sociales, charges d’outre-mer.

Les autres pays qui n’ont pas de charges équivalentes disposent ainsi de ressources pour leurs investissements, pour accélérer leurs progrès, pour abaisser leurs prix de revient et c’est bien ce que nous avons pu constater depuis dix ans.

Nous pouvons, bien entendu, espérer qu’après le règlement algérien nous pourrons réduire la disproportion des charges militaires, mais à cet égard je tiens à rappeler que les engagements pris dans le cadre de l’O.T.A.N. sont proportionnellement plus lourds pour nous que pour tous les autres pays de la Petite Europe.

[…]

D’autre part, M. le président du Conseil nous a indiqué dans un discours récent qu’après la fin des hostilités en Algérie nous devrons consacrer aux dépenses économiques en Afrique du Nord autant, a-t-il dit, que nous avons donné jusqu’ici pour les dépenses militaires, de telle sorte que le règlement algérien lui-même risque de ne pas entraîner au total le soulagement très substantiel sur lequel nous pouvons compter.

En second lieu, après les charges militaires, les charges des territoires d’outre-mer sont, vous le savez, considérables au point que le gouvernement a demandé — et il a eu raison — d’en transférer une fraction à nos partenaires.

Même si nos partenaires acceptaient les propositions françaises dans ce domaine — et jusqu’à maintenant je ne crois pas que cet accord ait été obtenu — la majeure partie des charges d’outre-mer continuerait tout naturellement à nous incomber et ainsi, de ce chef encore, il n’est pas douteux que notre économie subirait un handicap de charges supérieures à celles qui incombent à nos cocontractants.

J’en viens, maintenant, aux charges sociales qui ont été évoquées à plusieurs reprises par un certain nombre de nos collègues.

La seule harmonisation prévue en principe concerne l’égalité des salaires masculins et féminins dans un délai de quatre, cinq ou six ans. C’est certainement une nouvelle satisfaisante et qui entraînera, si la promesse est tenue, des résultats favorables pour certaines industries françaises, par exemple pour l’industrie du textile. Mais aucune autre généralisation d’avantages sociaux n’est vraiment organisée ni même garantie et cela apparaît si l’on énumère un certain nombre de ces avantages sociaux qui pèsent, dans une mesure qui est loin d’être négligeable, sur la productivité et sur les prix de revient.
S’agit-il du tarif spécial des heures supplémentaires dont a parlé hier M. le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères ? Le problème est en effet mentionné et il est dit dans les textes qui, paraît-il, ont été arrêtés sur ce point, que le système français sera pris comme base de référence. Je ne sais pas exactement ce que signifie cette formule. Je ne crois pas qu’elle implique qu’il en résultera une obligation pour nos cocontractants de réaliser une égalisation entre eux et nous et, lorsque le problème sera examiné à la fin de la première période, c’est bien la majorité qualifiée qui en décidera, ce qui, je le montrerai tout à l’heure, ne nous donne malheureusement aucune garantie sur un terrain où la plupart de nos cocontractants ont des intérêts très évidemment opposés aux nôtres.

S’agit-il des allocations familiales ? Je crois que le problème n’a même pas été envisagé ou, s’il a été discuté, il n’a abouti à aucun accord. Or, ce problème est important, puisque les allocations familiales correspondent à 12 p. 100 de la masse salariale.

S’agit-il du problème des salaires des jeunes ? Ce point est important puisque, en raison de la pyramide des âges, nous aurons, dans les prochaines années, en France comme dans les autres pays occidentaux, un nombre croissant de jeunes au travail.

Les salaires des jeunes, des mineurs, sont, en France, très supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Allemagne, en Italie, en Belgique. D’une part, en vertu de la réglementation officielle, d’autre part, en vertu des conventions collectives, la situation est beaucoup plus satisfaisante pour les jeunes travailleurs en France qu’elle ne l’est dans les autres pays.

On pourrait poursuivre très longtemps l’énumération des avantages sociaux très supérieurs en France à ce qu’ils sont dans les pays avec lesquels nous allons nous associer.

La thèse française, à laquelle nous devons nous tenir très fermement et que le gouvernement a soutenue, sans avoir, je le crains malheureusement, obtenu l’adhésion de nos interlocuteurs, c’est l’égalisation des charges et la généralisation rapide des avantages sociaux à l’intérieur de tous les pays du marché commun. C’est la seule thèse correcte et logique sauf, toutefois, celle que personne n’a soutenue, selon laquelle nous serions conduits à supprimer les allocations familiales ou à réduire les salaires horaires pour obtenir le même résultat.

Je sais bien que l’on invoque quelquefois le fait que certaines dispositions sociales, à vrai dire peu nombreuses et peu importantes, de la réglementation française, se trouvent être moins avantageuses que celles prévues dans tel ou tel pays voisin.

Par exemple, les indemnités de chômage sont plus élevées dans un certain nombre de pays voisins qu’elles ne le sont en France.
À vrai dire, les indemnités de chômage représentent peu de chose par rapport à la masse salariale, mais je voudrais que nous poussions sur ce point notre position jusqu’à l’extrême logique. L’unification, la péréquation des charges doit se faire, elle doit être générale et elle doit toujours se faire par le haut.

Il serait parfaitement normal que nous relevions nos allocations de chômage si elles sont inférieures à celles de nos voisins à condition que ceux-ci, réciproquement, relèvent par exemple les allocations familiales ou les créent pour les pays qui n’en ont pas.

L’harmonisation doit se faire dans le sens du progrès social, dans le sens du relèvement parallèle des avantages sociaux et non pas, comme les gouvernements français le redoutent depuis si longtemps, au profit des pays les plus conservateurs et au détriment des pays socialement les plus avancés.

On dit quelquefois, et cette opinion a été exprimée à la tribune au cours des derniers jours, qu’il ne faut pas considérer seulement le déséquilibre des législations sociales, mais l’ensemble de toutes les charges salariales, c’est-à-dire les salaires proprement dits augmentés des charges sociales, dites aussi salaires indirects.
Ce point de vue est peut-être contestable car la concurrence n’est pas un phénomène global : toute l’économie d’un pays contre toute l’économie d’un autre pays. La concurrence s’opère, en réalité, industrie par industrie et ce sont bien les prix de revient par marchandises, c’est-à-dire par catégories industrielles, qui comptent.
Mais, peu importe, car, au cours des récentes négociations, nos experts ont prouvé que les salaires proprement dits en Hollande, en Italie et même en Allemagne étaient très généralement inférieurs aux nôtres.

Par conséquent, c’est bien l’ensemble salaires plus charges sociales qui est supérieur en France à ce qu’il est chez nos voisins et concurrents étrangers.

Or, l’harmonisation des charges salariales, directes et indirectes, c’est la vieille revendication de tous les Français qui ne veulent pas que notre pays soit victime des pas en avant qu’il a faits ou qu’il fait dans le sens du progrès. À cet égard, qu’il me suffise d’évoquer la proposition qui a été présentée par le gouvernement français au Conseil de l’Europe le 20 septembre 1954 en vue d’égaliser les charges sociales par le haut pour empêcher qu’une libération des échanges réalisée sans précaution conduise à l’égalisation par le bas.
À la suite de cette initiative gouvernementale, M. Guy Mollet, qui était alors président en exercice de l’assemblée de Strasbourg, chargea la commission des affaires sociales de ladite assemblée, d’une part, et pria le comité des ministres, d’autre part, d’élaborer une charte sociale commune.

Quelques mois plus tard, en janvier 1955, une conférence était convoquée aux mêmes fins par le bureau international du travail, dont le directeur demanda que soit discutée la proposition française et que soient étudiées les différences de coût de la main-d’œuvre dans les pays européens.

L’affaire depuis, fut poursuivie, lentement, hélas ! Divers rapports d’experts ont été élaborés. Parmi eux, des points de vue très hostiles au nôtre se sont manifestés et notre représentant M. Byé, mis en minorité, a dû rédiger un rapport distinct de celui de ses collègues étrangers.

Le rapport établi par la majorité a été combattu par M. Hauck, au nom des organisations syndicales, et par M. Waline, au nom des organisations patronales. L’assemblée de Strasbourg a néanmoins voté une motion indiquant que si, à ses yeux, l’harmonisation des charges sociales n’est pas un préalable, elle constitue une condition essentielle de l’intégration.

Depuis, rien n’a été fait et aucune suite n’a été donnée à une demande présentée par un autre de nos représentants, M. Jacques Doublet, qui avait élaboré au nom du gouvernement français la liste des conventions du Bureau international du travail à ratifier avant l’établissement du Marché commun pour que ce dernier n’entraîne pas les plus graves inconvénients économiques et sociaux pour nous.
En fait, mes chers collègues, ne nous ne le dissimulons pas, nos partenaires veulent conserver l’avantage commercial qu’ils ont sur nous du fait de leur retard en matière sociale. Notre politique doit continuer à consister, coûte que coûte, à ne pas construire l’Europe dans la régression au détriment de la classe ouvrière et, par contrecoup, au détriment des autres classes sociales qui vivent du pouvoir d’achat ouvrier. Il faut faire l’Europe dans l’expansion et dans le progrès social et non pas contre l’une et l’autre.

Un des aspects essentiels de la politique de défense des travailleurs — et d’ailleurs de la vitalité générale du pays — c’est la politique du plein emploi. Dans un pays comme le nôtre, qui a tant souffert, et où tant de retard a été pris sur les progrès qui auraient été possibles, pas un élément de la richesse nationale ne doit être gaspillé ou inutilisé. Pas un travailleur ne doit être condamné au sous-emploi ou au chômage. C’est encore sous cet angle que nous devons considérer les projets qui nous sont soumis. Ils ne doivent pas mettre en danger les possibilités d’expansion et de plein emploi de la main-d’œuvre.
Or, c’est un fait que cette opinion n’est pas dominante en Allemagne. Par contre, elle est communément admise en Angleterre, même chez les conservateurs. Et c’est là une raison de plus pour nous — je le dis en passant — de déplorer l’absence de l’Angleterre de l’association projetée.

À cet égard, le gouvernement devra reprendre la discussion et exiger des dispositions très strictes pour protéger l’économie française. À défaut des précautions nécessaires, le traité comporterait des risques économiques et sociaux que nous devons éviter coûte que coûte à ce pays dont l’économie a déjà tant souffert.

À ce sujet, je voudrais, ouvrant une parenthèse, formuler une remarque qui mériterait d’ailleurs un plus long développement. Ce que je viens de dire de l’harmonisation des charges sociales s’applique dans une large mesure aussi à l’harmonisation des charges fiscales et aussi à celles des tarifs de transport et d’un certain nombre d’autres éléments des prix de revient, comme par exemple le prix de l’énergie.
Je ne citerai qu’un cas, mais qui a son importance. Le taux des taxes sur les chiffres d’affaires est environ deux fois plus élevé en France que dans les autres pays européens. Par contre, les impôts sur les revenus sont beaucoup plus lourds en Allemagne ou en Hollande qu’en France. Seulement, les taxes sur les chiffres d’affaires pèsent sur les prix beaucoup plus que les impôts sur les revenus. Il se pose donc un problème d’équilibre dont la solution ne nous est pas franchement proposée.

Je dis « pas franchement proposée » car, en fait, nos partenaires ont bien arrêté cette solution dans leur esprit. Lorsqu’ils contestent la véritable existence d’un problème de l’équilibre des charges fiscales, sociales, militaires ou autres, c’est qu’ils ont une réponse prête, et, au cours des conversations avec nos négociateurs, ils ne l’ont jamais caché.

Lisons le rapport établi par M. Spaak l’été dernier. Le rapport Spaak estime qu’il est impossible et inutile d’harmoniser les régimes sociaux, fiscaux, financiers et économiques des six pays, l’égalisation des conditions de concurrence entre producteurs de pays différents devant être obtenue par une fixation convenable des taux de change, ce qui signifierait évidemment, au départ, une dévaluation du franc français.

En septembre dernier, le gouvernement français fit connaître l’impossibilité où il se trouvait de dévaluer sa monnaie et il réclama une harmonisation des régimes sociaux. On convint alors à Bruxelles que si la France ne pouvait pas modifier officiellement ses parités de change, elle pourrait être autorisée à maintenir, à titre provisoire, les correctifs monétaires qu’elle avait utilisés jusqu’à présent, à savoir, à l’importation la taxe spéciale temporaire dite de compensation et, à l’exportation, le remboursement des charges fiscales et sociales, en langage courant l’aide à l’exportation.

Il parait actuellement acquis, d’après les indications qui ont été données à cette tribune, que, pour une période transitoire, la France pourra donc maintenir ces correctifs à condition, toutefois, de s’interdire d’en augmenter les taux. Au bout de cette période transitoire, la conservation des correctifs sera subordonnée au consentement de l’autorité supranationale.

Cette concession qui nous a été faite sur le maintien des correctifs monétaires étant accordée, les cinq pays européens déclarèrent qu’il n’y avait plus lieu de parler d’harmonisation. Ils acceptèrent cependant — je cite l’un d’eux — « dans un esprit de conciliation poussé à l’extrême, de promettre à la France de mettre en application, avant la fin de la première étape, la convention de Genève sur l’égalité des salaires féminins et masculins », convention qu’ils avaient tous signée depuis de nombreuses années, mais qu’ils n’avaient jamais appliquée.

Ce dernier point mis à part, il n’y a plus, dans le projet de traité de marché commun, aucune obligation d’harmonisation des conditions de concurrence, de quelque nature qu’elle soit.

Eh bien ! mes chers collègues, c’est l’une des lacunes les plus graves des projets qui sont aujourd’hui en discussion et c’est l’un des points sur lesquels l’Assemblée devrait demander au gouvernement d’insister auprès de nos partenaires pour leur faire comprendre qu’il serait impossible à la France de donner son adhésion aux projets qui lui sont soumis si, à cet égard, aucune garantie ne nous était donnée.
Jusqu’à présent, je le répète, il n’existe aucune garantie ; il n’y a qu’une mesure de transition, qui réside dans l’autorisation de maintenir provisoirement, pendant quatre, cinq ou six ans, les taxes à l’importation et les primes à l’exportation. Pendant cette période, nous pouvons maintenir taxes et primes, mais nous ne pouvons pas les augmenter.

Alors se pose une question : qu’arriverait-il si, dans cette période transitoire, la disparité des prix français et étrangers venait à s’accroître ?

Supposons qu’une crise économique éclate et qu’il en résulte une baisse massive des prix en Allemagne ou en Belgique. Supposons que l’Italie dévalue. Supposons qu’une hausse nouvelle des prix survienne en France — nous ne pouvons, hélas ! exclure une telle éventualité — du fait d’une nouvelle poussée d’inflation ou du vote de nouvelles lois sociales.

Dans chacune de ces hypothèses, soit du fait de tel ou tel pays étranger, soit de notre propre fait, la disparité des prix entre la France et l’étranger serait accrue et nous ne pourrions rien faire pour nous protéger et pour nous défendre : nous devrions maintenir et subir purement et simplement le statu quo. Mais, après le délai transitoire, ce serait pire encore, car le maintien du statu quo ne nous est même plus assuré.

Après la période transitoire, nous serons livrés à la volonté de l’autorité supranationale qui décidera, à la majorité, si les correctifs pourront ou ne pourront pas être maintenus. En fait, la tendance évidente sera de les abolir.

Le rapport Spaak, que je citais, montre clairement ce qu’on nous dira ce jour-là. Si nos charges sont trop lourdes, comme il est certain, si notre balance des payements en est altérée, on nous invitera à dévaluer le franc, une ou plusieurs fois, autant qu’il le faudra, pour rétablir l’équilibre, en réduisant chez nous le niveau de vie et les salaires réels.

Alors, la dévaluation ne sera plus une décision souveraine, nationale ; elle nous sera imposée du dehors, comme pour freiner nos initiatives sociales, jugées trop généreuses.

D’ailleurs, on peut se poser une question : ces initiatives sociales seront-elles encore possibles ? Je voudrais poser la question à M. le ministre des Affaires sociales s’il était au banc du gouvernement.
La tendance à l’uniformisation n’implique-t-elle pas que les pays les plus avancés vont se voir interdire, au moins momentanément, de nouveaux progrès sociaux ?

C’est bien ce que donne à croire l’article 48 du projet en discussion, et dont voici le texte :

« Après l’entrée en vigueur du traité, les États membres, afin de prévenir l’apparition de nouvelles distorsions de la concurrence, se consulteront mutuellement avant de procéder à l’introduction ou à la modification de dispositions législatives ou administratives susceptibles d’avoir une incidence sérieuse sur le fonctionnement du Marché commun. »

Tout relèvement de salaire ou octroi de nouveaux avantages sociaux n’est-il pas dès lors, et pour longtemps, exclu pour les ouvriers français ?

Mes chers collègues, il m’est arrivé souvent de recommander plus de rigueur dans notre gestion économique. Mais je ne suis pas résigné, je vous l’avoue, à en faire juge un aréopage européen dans lequel règne un esprit qui est loin d’être le nôtre.

Sur ce point, je mets le gouvernement en garde : nous ne pouvons pas nous laisser dépouiller de notre liberté de décision dans des matières qui touchent d’aussi près notre conception même du progrès et de la justice sociale ; les suites peuvent en être trop graves du point de vue social comme du point de vue politique.

Prenons-y bien garde aussi : le mécanisme une fois mis en marche, nous ne pourrons plus l’arrêter.

La France avait demandé qu’à la fin de la première étape de quatre ans la continuation de la progression vers le Marché commun ne puisse être décidée qu’à l’unanimité des pays participants, c’est-à-dire avec notre assentiment. Une disposition de ce genre a été catégoriquement refusée et il ne reste dans le projet de traité, comme on l’a rappelé à maintes reprises, qu’une clause qui permet, après quatre ans, de faire durer la première étape un an ou deux ans de plus. Ensuite, les décisions sont prises à la majorité.

Même si l’expérience des six premières années s’est révélée néfaste pour nous, nous ne pourrons plus nous dégager. Nous serons entièrement assujettis aux décisions de l’autorité supranationale devant laquelle, si notre situation est trop mauvaise, nous serons condamnés à venir quémander des dérogations ou des exemptions, qu’elle ne nous accordera pas, soyez-en assurés, sans contreparties et sans conditions.

Jusqu’à présent, j’ai envisagé les relations commerciales entre pays associés et la disparition progressive des droits de douane et des protections entre eux. Mais il faut aussi examiner leurs relations avec les pays tiers, étrangers à la communauté.

Les six pays participants vont constituer progressivement une entité douanière unique avec, autour d’eux, à l’égard des marchandises venant du dehors, une protection douanière unique dite « tarif commun ». Ce tarif sera fixé, pour chaque produit, à la moyenne arithmétique entre les droits actuellement en vigueur dans chacun des six pays. Le tarif commun sera donc très inférieur au tarif actuellement le plus élevé, c’est-à-dire le nôtre. Nous devrons donc nous adapter rapidement non seulement, comme chacun l’a bien compris, dès le début, aux importations bientôt libres venant des cinq pays participants avec nous, mais encore, comme on ne l’a pas assez aperçu, aux importations bientôt dégrevées ou en partie dégrevées venant de tous les autres pays, de l’extérieur.

Il aurait été essentiel, puisque désormais la protection sera celle du nouveau tarif, que le gouvernement nous fournît, au cours même de ce débat, un tableau des tarifs comparés des six pays participants et de la moyenne pondérée qui en résulte afin que nous nous rendions compte de la protection douanière qui subsistera une fois la réforme mise en vigueur.

Il me paraît impossible que l’Assemblée se prononce définitivement sur un objet aussi vaste et qui implique pour notre main-d’œuvre un risque terrible de chômage, sans qu’elle connaisse exactement, par l’étude du nouveau tarif, cependant facile à calculer lorsqu’on dispose des éléments d’information que le gouvernement possède, les conséquences précises qui peuvent en résulter pour l’ensemble de nos productions.

Toutefois, certaines clauses me paraissent plus préoccupantes encore. C’est, d’abord, celle qui consiste à dire que le tarif externe, déjà très bas, qui protège l’industrie des six pays associés contre la concurrence des autres pays du dehors, pourra être, pour certains produits, totalement suspendu par simple décision de la majorité.
Compte tenu des tendances vers la fixation de tarifs très bas qui règnent aujourd’hui en Allemagne et en Belgique, nous risquons donc de voir sacrifiées, totalement privées de protection, certaines productions essentielles pour nous et pour notre main-d’œuvre.
C’est une clause parmi les plus préoccupantes, les plus graves. C’est une clause à écarter en tout cas.

N’oublions jamais que, parmi nos associés, l’Allemagne, le Benelux et, pour certains produits, l’Italie, voudraient un tarif commun le plus bas possible. Demain, l’autorité supranationale étant chargée de fixer ce tarif, il sera donc inévitablement modéré, parfois même il sera nul ou bien, comme je viens de l’indiquer, il pourra être suspendu. Notre industrie se trouvera alors découverte contre toutes les concurrences du dehors, celle des États-Unis comme celle du Japon.

Je le répète, il faut que nous sachions que le démantèlement, la libération vers lesquels nous nous acheminons ne vont pas seulement s’appliquer aux échanges entre les six pays participants, ils s’appliqueront aussi à l’égard des importations venues du dehors. C’est bien ce qui explique la déclaration officielle qu’a faite le State Department et que vous avez lue dans la presse hier matin, déclaration dans laquelle le gouvernement américain se félicite particulièrement du projet actuellement en discussion et, dit-il, de la libéralisation des contrôles sur les importations provenant de la zone dollar.

Je le répète, c’est là un aspect du problème sur lequel l’opinion parlementaire et l’opinion publique ne sont peut-être pas suffisamment averties.

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, d’un danger lointain. Il s’agit d’une situation qui va être rapidement sensible.

L’élargissement rapide des contingents que nous envisageons ne concerne, en principe, que les marchandises venant des six pays participants. Mais certains de nos associés, comme l’Allemagne ou la Belgique, pratiquent dès maintenant une libération à peu près totale à l’égard des pays de la zone dollar et d’un certain nombre d’autres pays. L’ouverture du marché, ou même la suppression des contingents, qui va être décidée et qui va entrer en vigueur progressivement mais rapidement, va donc s’étendre aussitôt à des marchandises venues de l’extérieur du Marché commun mais ayant transité à travers l’un des pays associés, marchandises importées par exemple en Allemagne ou en Belgique mais, de là, passant en France au bénéfice du tarif douanier réduit intérieur à la communauté et des contingents largement desserrés.

Voulez-vous un exemple ? L’importation des montres suisses en France est contingentée, mais ces marchandises peuvent entrer librement en Belgique. De ce fait, elles pourront passer en Belgique et, de là, entrer en France en ne payant que le droit de douane réduit.
C’est ainsi que la libération à l’égard de la Belgique va profiter à des marchandises suisses qui auront pu entrer en Belgique.
Je viens de parler de montres d’origine extérieure à la communauté et j’imagine que le gouvernement pourra obtenir, à l’égard de ce détournement de trafic, je dirais presque de cette fraude, bien qu’en réalité le mot s’applique mal, des dispositions de protection. Mais dans d’autres domaines, plus complexes, les dispositions devront être étudiées avec minutie.

C’est le cas, par exemple, de pièces détachées importées de l’extérieur dans la communauté et qui permettront, à l’intérieur de celle-ci, de fabriquer telle ou telle catégorie de produits manufacturés complexes. Il s’agira, notamment, de pièces détachées ou d’éléments divers qui entrent dans la fabrication automobile, susceptibles d’être importés en Allemagne, en Italie ou en Belgique, mis en œuvre par l’industrie locale pour la production d’automobiles, qui seront ensuite déclarés allemands, italiens ou belges et qui se prévaudront, alors, des droits de douane et des contingents privilégiés réservés, en principe, aux États membres et à eux seuls.

Eh bien ! je ne pense pas que notre balance des comptes, que l’état de notre industrie nous permettent d’envisager sans inquiétude des situations de ce genre. C’est pourquoi nous devons demander au gouvernement, dans les pourparlers qu’il va continuer à mener, de se montrer extrêmement énergique et de s’opposer à des dispositions tellement incompatibles avec l’état de notre économie qu’elles nous condamneraient vite, si elles étaient maintenues et adoptées, à des dévaluations de plus en plus accentuées, après quoi, sous la pression d’une expérience amère, l’opinion exigerait que nous révoquions les engagements que nous aurions pris. Ce serait certainement un bien mauvais chemin pour réaliser finalement cette coopération européenne à laquelle nous voudrions aboutir.

Après cet examen des dispositions touchant la libre circulation des personnes et la libre circulation des marchandises, j’envisagerai — ce sera beaucoup moins long — le problème de la libre circulation des capitaux.

Il est prévu que le Marché commun comporte la libre circulation des capitaux. Or, si l’harmonisation des conditions concurrentielles n’est pas réalisée et si, comme actuellement, il est plus avantageux d’installer une usine ou de monter une fabrication donnée dans d’autres pays, cette liberté de circulation des capitaux conduira à un exode des capitaux français. Il en résultera une diminution des investissements productifs, des pertes de potentiel français et un chômage accru.

M. le secrétaire d’État aux Affaires étrangères indiquait hier que la libération des mouvements de capitaux ne sera pas complète et qu’un certain nombre de précautions seront prises. Je m’en réjouis. Mais il a aussitôt précisé que la liberté des mouvements de capitaux serait entière pour les investissements à réaliser à l’intérieur des six pays participants.

La question qui se pose est alors la suivante : où se feront les investissements futurs, créateurs de nouvelles occasions de travail pour la classe ouvrière, créateurs de nouvelles occasions de production pour le pays tout entier ? Où les capitaux des six pays participants se dirigeront-ils pour financer de nouveaux investissements ?

Il est évident que le mouvement naturel des capitaux, surtout des capitaux privés, sera orienté vers les pays à faibles charges, c’est-à-dire vers les pays où la politique sociale, les obligations militaires et autres sont les moins coûteuses.

Les capitaux ont tendance à quitter les pays socialisants et leur départ exerce une pression dans le sens de l’abandon d’une politique sociale avancée. On a vu des cas récents où des gouvernements étrangers ont combattu des projets de lois sociales en insistant sur le fait que leur adoption provoquerait des évasions de capitaux.
Nous-mêmes, en France, avons vécu en 1936 une période, que beaucoup d’entre vous n’ont pas oubliée, durant laquelle un certain nombre de lois sociales importantes ont été adoptées.

Il est de fait que, dans les années suivantes, cette attitude a entraîné des évasions, une véritable hémorragie des capitaux français.
Mais les capitaux français ne sont pas les seuls qui risquent de s’évader. Il n’y a pas que les capitaux européens qui risquent de s’investir ailleurs que chez nous. Les capitaux étrangers, par exemple ceux des institutions internationales ou ceux des États-Unis, risquent aussi de se concentrer sur l’Allemagne, sur l’Italie ou sur le Benelux.
On peut redouter, par exemple, que certaines grandes affaires américaines, désireuses de créer des filiales en Europe, les implantent de préférence en Allemagne où il est probablement plus avantageux aujourd’hui de monter une usine, non seulement pour les besoins allemands, mais aussi, désormais, pour les besoins de tous les pays du Marché commun.

La démonstration du danger telle qu’elle a été faite dans une étude que nous a fournie l’industrie de l’automobile me paraît, à cet égard, particulièrement impressionnante.

Il sera tentant demain, pour telle puissante industrie américaine ou canadienne ou anglaise, désireuse de se créer un débouché dans l’ensemble du marché européen unifié, d’ouvrir une usine à l’échelle de ce marché européen, mais de l’ouvrir plutôt en Allemagne qu’en France.
Le danger de voir péricliter l’économie française par rapport aux économies des pays voisins va donc être très réel.

Mes chers collègues, l’ensemble des conditions dans lesquelles vont désormais se développer les mouvements de marchandises et les mouvements de capitaux tels que je viens de les décrire ne peut pas ne pas entraîner très vite des suites faciles à prévoir sur notre balance des payements dont le déséquilibre risque de devenir permanent.

Ce danger a été aperçu par les rédacteurs du traité et une clause de sauvegarde y a été inscrite sur laquelle M. Maurice Faure a hier appelé notre attention.

Cette clause de sauvegarde prévoit qu’en cas de crise grave de la balance des payements, le pays en difficulté peut prendre des mesures d’urgence. A vrai dire, il n’est en droit de le faire que s’il n’a pas reçu préalablement de recommandation de l’autorité supranationale. Supposons que ce n’ait pas été le cas et qu’il ait pris librement les mesures qui lui paraissaient appropriées. Ces mesures peuvent et doivent aussitôt disparaître sur la simple injonction de l’autorité internationale qui a le droit d’imposer d’autres mesures qu’elle estime devoir substituer aux premières.

En quelque sorte, l’autorité internationale, dans le cas particulier, va avoir le droit de légiférer d’une manière autoritaire à laquelle nous ne pourrons pas échapper et de prendre des décisions qui primeront celles du gouvernement et même celles du Parlement. Ce sera une loi supérieure à la loi française qui s’imposera à nous.

On peut d’ailleurs supposer que, dans le cas d’un déséquilibre profond et durable de la balance, la majorité nous imposera, comme je l’ai déjà indiqué, des dévaluations qui se traduiront par des abaissements de niveau de vie ou par des mesures de déflation dont nous n’aurons pas été juges nous-mêmes.

Eh bien ! mes chers collègues, le salut de la monnaie — je l’ai dit souvent à cette tribune — exige parfois une politique financière de courage et de rigueur. Des sacrifices peuvent être nécessaires et peut-être avons-nous quelquefois dans ces dernières années manqué du courage qu’il aurait fallu pour les faire aboutir. Mais il appartient néanmoins au Parlement de choisir ces sacrifices et de les répartir et je supporte mal l’idée que ces sacrifices peuvent être demain dosés pour nous, choisis pour nous, répartis pour nous par les pays qui nous sont associés et dont l’objectif premier n’est pas nécessairement le mieux-être en France pour la masse de nos concitoyens et le progrès de notre économie.

Et puis nous recueillons des bruits, nous entendons des suggestions. Le docteur Schacht, qui n’est pas sans influence, a esquissé un plan qui consisterait à utiliser l’excédent de réserves monétaires constituées par les Allemands pour reconstituer les réserves françaises par le moyen de la prise de participations par des sociétés allemandes dans des entreprises françaises. La mise en œuvre d’un tel plan aboutirait évidemment à une emprise allemande sur l’économie française.

Je ne dis pas que ce plan est celui de nos partenaires, mais je dis qu’il est parfaitement compatible avec les propositions qu’on nous fait et qu’aucune sauvegarde ne paraît nous en protéger vraiment.
Quoi qu’il en soit, que nous l’ayons décidé librement ou que cela nous soit imposé par l’autorité extérieure, des reconversions parfois difficiles, parfois douloureuses seront nécessaires.

À cette fin, le rapport de M. Spaak prévoyait la constitution d’un fonds d’investissement européen dont l’une des missions aurait été de financer, au moins partiellement, les opérations de reconversion industrielle rendues nécessaires par la situation économique nouvelle résultant du Marché commun.

La création de ce fonds est d’autant plus intéressante pour nous Français que — je l’ai montré tout à l’heure — nous risquons de n’être pas favorisés par les capitaux privés, aussi bien ceux des six pays associés, dont le nôtre, que ceux du dehors.

Le projet de M. Spaak prévoyait donc un fonds d’investissement important, largement doté, orienté vers la reconversion. Cette disposition était utile et sage. À vrai dire, c’est selon cette procédure qu’aurait dû commencer, à mon avis, la construction d’une Europe économiquement intégrée. C’est ce que j’avais proposé dès 1945. Je crois que toute la reconstruction de l’Europe, tout son développement d’après-guerre auraient dû être conçus sur la base d’investissements européens coordonnés selon des plans d’intérêt commun, évitant les doubles emplois, les investissements excessifs ou superflus, les concurrences ruineuses et aussi les pénuries communes.

Dix ans après la fin de la guerre, cette idée réapparaissait heureusement dans le rapport de M. le président Spaak. Hélas ! elle a pratiquement disparu.

[…]

Car, sous la pression des Allemands qui, eux, n’ont guère besoin de reconversion, le fonds d’investissement apparaît, dans la phase finale des négociations, sous une forme tout à fait nouvelle.

Le fonds est devenu en fait un organisme de caractère bancaire traditionnel, se procurant des capitaux, soit à l’intérieur de la communauté, soit surtout en Suisse et aux États-Unis et les utilisant pour des placements dans les entreprises des six pays dont la rentabilité lui paraîtra optimum, ce qui exclut dans une large mesure le financement des opérations de reconversion.

Cependant, pour satisfaire l’Italie, il reste prévu que le fonds d’investissement pourra apporter un certain soutien à la mise en valeur des régions sous-développées. Eh bien ! il serait indispensable que nous jouissions de garanties semblables pour nos industries à moderniser et à reconvertir, sinon nous courrons un risque véritablement paradoxal.

Il est prévu que notre souscription au fonds d’investissement sera égale à celle de l’Allemagne, ce qui est contestable — je le dis entre parenthèses — puisque l’Allemagne souffre d’un excédent de capitaux et d’un excédent de sa balance extérieure, tandis que nous souffrons d’une pénurie de capitaux et du déficit de notre balance des comptes.
Encore faudrait-il être assuré que notre souscription au fonds ne sera pas supérieure à l’aide qu’il va nous apporter, sinon ce serait un élément supplémentaire de déséquilibre de notre balance des payements et un danger de plus pour nos chances de voir se développer nos investissements déjà insuffisants.

Je ne saurais donc trop demander au gouvernement d’exiger des garanties très strictes pour le fonctionnement et — je dirai plus — pour la conception même du fonds d’investissement.

Pour nous, le fonds d’investissement doit être un organisme compensateur pour pallier les insuffisances ou les malfaçons résultant des mouvements spontanés des capitaux libres. Si le fonds, loin de jouer ce rôle compensateur, venait à amplifier encore les inconvénients que nous redoutons déjà, il présenterait alors beaucoup plus de dangers que d’avantages et l’on ne voit pas pourquoi nous lui fournirions des dizaines et des centaines de milliards dont notre économie métropolitaine ou ultra-marine pourrait faire un usage beaucoup meilleur.

Mes chers collègues, je voudrais conclure sur le plan politique.
Le gouvernement a raison de rechercher une amélioration économique à long terme dans l’élargissement du marché, dans la création d’un marché global européen, pour contribuer à élever le niveau de vie en France. Mais cet élément d’une politique économique d’ensemble ne doit pas le conduire à sacrifier les autres éléments. Le but alors ne serait pas atteint, car l’élévation du niveau de vie n’est pas seulement fonction de l’ampleur du marché national, mais d’autres conditions aussi qu’on ne peut pas négliger.

Il est bien vrai que les États-Unis, avec leur marché de 150 millions d’habitants, sont en tête du palmarès des pays si on les classe d’après le niveau des conditions d’existence qui y règnent.
Mais derrière les États-Unis, en rangeant les pays d’après l’importance du revenu par tête, on trouve le Canada, avec un marché de 13 millions d’habitants seulement, la Suisse, avec 5 millions, la Suède, avec 7 millions d’habitants. Puis viennent le Royaume-Uni, avec 50 millions d’habitants et le vaste marché de l’Empire britannique derrière lui, mais, aussitôt après, la Nouvelle-Zélande, avec 2 millions, l’Australie, avec 8 millions, le Danemark, avec 4 millions, puis encore la Belgique, la Hollande, la Norvège — pays de petit marché — qui précèdent la France malgré ses 43 millions d’habitants et son marché africain.

La relation qui existe entre l’importance du marché et le revenu moyen, le niveau de vie, n’est donc pas si simple qu’on le dit parfois.
D’autres facteurs aussi importants entrent en jeu, qu’il ne faut pas sacrifier dans l’entreprise d’élargissement du marché, sans quoi on risque de perdre d’un côté beaucoup plus qu’on ne gagnera de l’autre.
Il nous faut donc tout à la fois rechercher l’élargissement du marché, c’est-à-dire faire l’Europe, et éviter telles modalités dangereuses qui altéreraient complètement les conséquences espérées et qui transformeraient, au total, le solde actif attendu en un solde passif désastreux.

Il est difficile d’en juger dès aujourd’hui d’une manière définitive. Il y a encore dans le traité de vastes lacunes sur lesquelles nous ne savons rien ou pas grand-chose. Il contient des articles qui se contentent de déléguer à de futurs négociateurs ou à de futures autorités supranationales la solution des plus grandes difficultés restées en suspens.

On nous a dit hier — M. le ministre des Affaires étrangères le répétait cet après-midi, et c’est juste — qu’on ne peut pas demander à un traité de régler tous les détails, toutes les modalités jusqu’aux plus minimes.

Mais, lorsqu’il s’agit du statut de l’agriculture, de l’harmonisation des lois sociales, du statut des territoires d’outre-mer, on est bien en droit d’affirmer que ce ne sont pas des détails, des modalités secondaires, mais des points véritablement les plus importants.
La procédure suivie, qui consiste donc à renvoyer à plus tard la solution des problèmes qui n’ont pas pu être réglés dès maintenant est une mauvaise procédure. Pour un certain nombre de problèmes essentiels que je viens de mentionner, la France, nous le savons d’ores et déjà, sera seule ou à peu près seule de son avis. Elle a donc intérêt à ce que ces problèmes soient tranchés avant la signature du traité, car, après, elle sera désarmée.

Nous avons eu des lois-cadre. Nous demandons fermement au gouvernement de ne pas accepter un traité-cadre. Les affaires les plus importantes doivent être tranchées clairement par le traité lui-même ; de même que les garanties obtenues doivent y figurer. Auprès, il sera trop tard.

On nous dit qu’il faut aller très vite, qu’il faut conclure dans les jours ou dans les semaines à venir. J’avoue que je me demande par moment pourquoi tant de hâte. En effet, jusqu’en novembre dernier, il était envisagé que la négociation serait relativement lente et la mise en vigueur tardive. Il avait même été admis par nos partenaires que la mise en vigueur pourrait être ajournée si, à la fin de l’année 1957, la France avait encore à supporter les charges militaires exceptionnelles résultant de la situation en Algérie.

Depuis le début du mois de décembre, une perspective nouvelle s’est dessinée : on prend maintenant comme objectif la mise en vigueur effective du traité dès le 1er janvier prochain. Or, les charges de la guerre d’Algérie ne seront pas réduites et risquent de ne pas l’être très prochainement. Pourquoi donc a-t-on brusquement accéléré le rythme prévu il y a quelques mois ?

Je crois qu’il y a à cela plusieurs raisons que je voudrais mentionner.
D’abord on envisage avec une certaine inquiétude la séparation du Bundestag actuel en juin 1957 en vue des élections allemandes de septembre, car on peut éprouver la crainte de voir apparaître un nouveau Bundestag moins favorable à une ratification rapide que celui qui est actuellement en fonctions.

Rien n’est aussi mauvais que de fonder des arrangements internationaux, sur des circonstances de politique intérieure dans l’un des pays participants. On aboutit alors trop souvent à des accords qui sont remis en cause rapidement, selon les fluctuations de cette même politique intérieure.

Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas un assentiment donné par une majorité de hasard, c’est un engagement qui lie valablement l’Allemagne. S’il apparaît dès maintenant que la prochaine assemblée allemande nous demandera de nouvelles concessions, notamment sur les points les plus graves non encore réglés, nous aurions bien tort de nous lier avec l’actuel Bundestag.

Je sais bien qu’on invoque une deuxième raison, également de nature politique. Certains ont vu dans l’échec de notre politique au Moyen-Orient une raison de hâter l’édification de l’Europe. Or les conséquences de l’opération de Suez vont se faire sentir sur notre économie dans un sens, hélas ! défavorable et vont ainsi nous éloigner du moment où nous pourrons affronter la concurrence internationale.

En fait, le plan qui est destiné à fortifier notre économie à cet effet vient d’être — vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre — retardé d’un an.

D’une façon générale, la situation de notre balance des comptes est plus fragile qu’à aucun moment et, si elle n’est pas rétablie, la mise en vigueur du Marché commun est une impossibilité de fait.
N’oublions pas non plus que, dans l’affaire de Suez, nous avons été ostensiblement condamnés par l’Allemagne, par l’Italie et par les autres États de la Petite Europe et que cette Petite Europe ne comprend pas la Grande-Bretagne, seul pays européen qui se soit solidarisé avec nous au Moyen-Orient. Nous sommes donc vraiment en plein paradoxe.

Mais il y a une troisième raison à laquelle je veux venir puisque je viens d’évoquer précisément l’absence de la Grande-Bretagne dans la formation politique ou technique qui nous est proposée.
Je fais allusion aux travaux qui ont été engagés à l’O.E.C.E. sur l’initiative de la Grande-Bretagne pour l’étude de cette « zone de libre échange » dont parlait tout à l’heure M. Christian Pineau. En plus des six pays de Bruxelles, la Grande-Bretagne, l’Autriche et, éventuellement, les pays Scandinaves pourraient faire partie de cette zone.

Nous assistons alors à une étrange course de vitesse dans laquelle on peut se demander pourquoi nous voulons coûte que coûte devancer l’initiative anglaise et, en quelque sorte, la dévaloriser ou même la paralyser, d’avance l’empêcher d’aboutir.

La Grande-Bretagne a fait un pas en avant considérable le jour où elle a proposé à l’O.E.C.E. la création de cette zone de libre échange à laquelle elle participerait. Il fallait évidemment saisir la balle au bond et essayer d’en tirer le plus large parti possible. Au contraire, il semble qu’on veuille forcer de vitesse et devancer coûte que coûte l’évolution de la négociation anglaise, comme si l’on voulait vraiment empêcher l’aboutissement de la zone de libre échange.

M. Maurice Faure nous a dit hier que l’on pourrait faire en même temps et le marché avec nos cinq partenaires et la zone de libre échange avec une demi-douzaine d’autres pays dont la Grande-Bretagne.
Cette solution est peu vraisemblable. La création d’une zone de marché commun avec cinq partenaires est déjà une opération très compliquée qui comporte toutes les modalités dont nous avons parlé ici depuis quatre jours, et nous nous apercevons tous actuellement de l’extraordinaire complexité de la situation.

Comment peut-on imaginer qu’à cette construction déjà difficile, et à certains égards obscurs, on pourra surajouter, avec les mêmes pays participants et d’autres pays étrangers, une construction supplémentaire soumise à un statut et à un régime différents ?
Et cependant, dans le cas présent, en dehors des raisons politiques d’ordre général, nous aurions des raisons particulièrement fortes de souhaiter, plus encore que jamais, la présence de l’Angleterre, étant donné le parallélisme de certaines des positions de nos deux pays.
Je parlais tout à l’heure de nos préoccupations en matière de plein emploi. Elles règnent aussi en Angleterre, elles sont à la base de la politique économique de ce pays.

L’Angleterre a pratiqué, comme nous, une politique sociale plus avancée que celle qui a été pratiquée dans les autres pays avec lesquels nous allons nous associer. L’Angleterre, comme nous, a le souci de ne pas desservir certains intérêts importants qu’elle possède outre-mer. L’Angleterre, comme nous, veut éviter certains risques en matière agricole. Nous le voulons pour protéger notre production agricole ; les Anglais le veulent pour maintenir les engagements préférentiels qu’ils ont pris au profit de certains de leurs dominions, eux-mêmes producteurs agricoles.

J’ajoute que les circonstances politiques sont vraiment particulièrement favorables, alors que vient d’être appelé à la plus haute charge gouvernementale en Angleterre l’homme qui, depuis longtemps déjà, s’était signalé par sa volonté de contribuer de toutes ses forces au resserrement des liens entre l’Angleterre et le continent et à la participation même de l’Angleterre à une formation politique qui associerait ce pays aux pays du continent.

Eh bien ! c’est une grande erreur politique de donner une fois de plus aux Anglais l’impression que nous nous passons d’eux, ou même, si leur concours futur est envisagé, qu’il y aura deux séries de liaisons, les unes plus lâches qui les concernent, les autres plus étroites, les seules qui compteront pour le développement politique ultérieur et dont ils seront exclus.

C’est une méthode détestable.

Il est vrai que l’Angleterre a souvent été réticente quand il s’agissait de s’engager sur le chemin de l’unification européenne. Elle ne la pas été toujours. Elle ne l’a pas été en 1954, lors de la création de l’union de l’Europe occidentale et nous avons eu grand tort de ne pas exploiter à fond, à cette époque, le pas en avant considérable qu’elle avait fait alors vers le continent. Elle ne l’a pas été non plus lorsqu’elle nous a proposé la zone de libre échange que nous sommes en train d’étouffer silencieusement.

Je sais bien que la politique française, dans ce domaine, est difficile. L’intérêt bien compris de la France consiste à associer des pays continentaux, comme l’Allemagne, qui ne souhaitent pas forcément la présence de l’Angleterre, et l’Angleterre qui hésite parfois à se lier avec le continent.

De là la difficulté même de notre entreprise et de notre politique. Mais cette difficulté ne doit pas nous faire oublier notre véritable intérêt et ne doit pas nous faire renoncer à organiser l’Europe avec un équilibre sain et non sous l’influence décisive et unilatérale de l’Allemagne.
La facilité consiste à céder à ceux qui, sur le continent ou en Grande-Bretagne, ne veulent pas s’associer ; mais l’intérêt français consiste, au contraire, à les obliger à se lier et, tout d’abord, à ne jamais laisser passer une occasion, à la saisir chaque fois pour en tirer le maximum.
Je redoute que nous ne le fassions pas aujourd’hui avec la zone de libre échange et je le regrette.

J’ai lu, hier, dans la presse française, un extrait d’un article paru le même jour dans le Times, dont on sait que, très souvent, il traduit le sentiment du Foreign Office, et que voici :

« Les principaux architectes du projet d’association de la Grande-Bretagne au Marché commun, MM. Macmillan et Thorneycroft, occupent maintenant des postes plus importants que lorsque ce projet a commencé à être envisagé… Mais jusqu’à quel point la Grande-Bretagne pourra-t-elle négocier un accord de marché commun si les conditions de celui-ci sont déterminées à l’avance ? Mettra-t-on notre pays devant le fait accompli sur plusieurs points vitaux ? »
Mes chers collègues, sans mésestimer aucunement l’intérêt que présente pour nous le développement des relations économiques et commerciales franco-allemandes ou franco-continentales, il ne faut jamais négliger celles qui nous lient à la Grande-Bretagne et au bloc sterling.

L’Allemagne est un bon client, par exemple, pour nos exportations agricoles, mais l’Angleterre peut nous acheter beaucoup plus encore si nous savons prendre une place plus large sur son marché. En fait l’Angleterre est le premier importateur du monde pour la viande, les céréales, les corps gras.

Toute formation de l’Europe qui nous éloigne de l’Angleterre diminue nos chances de pénétrer sur ce marché qui peut être l’un des plus lucratifs pour nos exportateurs, surtout agricoles.
Dès lors, on comprend mal les réticences qui accueillent le projet de zone de libre échange à laquelle l’Angleterre participerait et cette priorité jalouse accordée si vite à une organisation volontairement limitée à l’Europe des Six.

Enfin, pour en revenir au fond, le projet de marché commun tel qu’il nous est présenté ou, tout au moins, tel qu’on nous le laisse connaître, est basé sur le libéralisme classique du XIXe siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes.
Dix crises graves, tant de souffrances endurées, les faillites et le chômage périodique nous ont montré le caractère de cette théorie classique de résignation. En fait, la concurrence qui s’instaurera dans le cadre du traité tel qu’il est aujourd’hui — mais je veux croire qu’il est encore perfectible — n’assurera pas le triomphe de celui qui a, intrinsèquement, la meilleure productivité, mais de ceux qui détiennent les matières premières ou les produits nécessaires aux autres, des moyens financiers importants, des productions concentrées et intégrées verticalement, de vastes réseaux commerciaux et de transport, de ceux aussi qui ont les moindres charges sociales, militaires et autres.

Lorsque le nouveau régime entrera en vigueur dans quelques mois, au début de 1958, nous serons probablement en grave difficulté de devises, chacun le sait ici. Nous devrons accepter aussitôt un surcroît d’importations sans avoir aucune possibilité de les solder. Nous devrons aussi subir une correction de changes que certains croient inévitable mais qu’il vaudrait mieux, si nous devons vraiment la faire, organiser librement, selon nos propres décisions, plutôt que dans les conditions imposées par une technocratie internationale où nous n’avons jamais trouvé beaucoup de compréhension et de soutien jusqu’à présent.

Beaucoup d’autres questions restent obscures.
Quelle est, dans le nouveau système, la situation réelle de l’agriculture ?

Quels sont les risques, pour nos producteurs, d’une concurrence accrue venue des cinq pays ou de pays tiers ?
Quelles sont les chances, réduites ou accrues, pour nos exportateurs ? Je ne suis pas rassuré par les indications qu’on nous a données à cet égard.

Quelle est la portée réelle d’une certaine clause, assez mystérieuse, sur le passage de la première à la deuxième étape, en fonction d’accords agricoles passés dans l’intervalle ?

Quel est le statut de nos territoires d’outre-mer ? C’est un point essentiel, beaucoup de nos collègues l’ont dit, puisque nos exportations vers les pays d’outre-mer ont été, en 1955, supérieures de 100 milliards de francs à l’ensemble de nos exportations vers les cinq pays avec lesquels nous allons nous associer.

À cet égard, je voudrais seulement appeler votre attention sur les réactions qui se sont fait jour dans les pays qui veulent rester attachés à l’Union française.

Au Togo, en Tunisie, au Maroc, dans toute l’Afrique noire, nos amis expriment une vive inquiétude. Ils demandent à être plus complètement informés sur la compatibilité du Marché commun, tel qu’il est prévu, et de la survie de l’Union française des points de vue économique, douanier et monétaire, l’économie et la monnaie constituant les éléments les plus solides et les plus efficaces du maintien de notre présence et de notre rôle en Afrique et dans nos autres territoires.

Il serait évidemment lamentable qu’ayant versé tant de sang et dépensé tant d’argent pour conserver les pays de l’Union française nous en arrivions aujourd’hui à les mettre, gratuitement ou presque, à la disposition de nos concurrents étrangers, à les séparer de nous par un cordon douanier qui marquerait, de notre fait, le commencement de l’éloignement, même sur le terrain économique et monétaire.
Dire cela, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas être hostile à l’édification de l’Europe, mais c’est ne pas vouloir que l’entreprise se traduise, demain, dans la Métropole comme dans l’outre-mer, par une déception terrible pour notre pays, après un grand et bel espoir, par le sentiment qu’il en serait la victime et, tout d’abord, ses éléments déjà les plus défavorisés, aussi bien en France qu’en Afrique.

C’est avec de telles préoccupations constamment dans l’esprit que la France peut et doit coopérer à la construction de l’Europe ; ce ne doit pas être avec un sentiment de méfiance en soi, d’impuissance à se réformer soi-même, avec l’idée de se faire imposer par des contraintes extérieures, par une autorité supranationale, des réformes que nous n’aurions pas eu le courage de promouvoir nous-mêmes.

L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale.

Si la France est prête à opérer son redressement dans le cadre d’une coopération fraternelle avec les autres pays européens, elle n’admettra pas que les voies et moyens de son redressement lui soient imposés de l’extérieur, même sous le couvert de mécanismes automatiques.

C’est par une prise de conscience de ses problèmes, c’est par une acceptation raisonnée des remèdes nécessaires, c’est par une résolution virile de les appliquer qu’elle entrera dans la voie où, tout naturellement, elle se retrouvera auprès des autres nations européennes, pour avancer ensemble vers l’expansion économique, vers le progrès social et vers la consolidation de la paix. “

Source : Marché commun européen, dans Journal officiel de la République française. 19 janvier 1957, n° 3, p. 159-166